Newsletter trimestrielle n°12

Cette première newsletter de l’anée 2021 est avant tout l’occasion pour le cabinet de vous souhaiter une belle année pleine de joie et de succès dans tous les domaines.
Le dernier trimestre de l’année 2020 a, une fois encore, été riche en décisions importantes rendues dans de nombreux domaines.
Le cabinet vous propose une sélection de ces décisions rendues dans des affaires qu’il a traitées devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.
Cette newsletter commente de manière synthétique des arrêts qui, toutes matières confondues, auront justifié une publication au Recueil Lebon ou au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ou présentent un intérêt juridique et pratique.
Droit civil
Com, 9 décembre 2020, n°19-17832
Par cet arrêt, la Chambre commerciale est venue confirmer la solution consacrée dans un précédent arrêt de la première Chambre civile (Civ. 1ère, 1er octobre 2014, n°13-24699) relative à la nature de l’obligation pesant sur l’organisateur d’une activité sportive lors de la phase de transport sur le lieu de l’activité.
Dans cette affaire, au cours du trajet de retour d’un baptême de plongée sous-marine, un participant se trouvait sur le zodiac piloté par l’organisateur de l’activité lorsque l’embarcation a heurté une forte vague.
La cour d’appel l’a débouté de ses demandes en indemnisation formées à l’encontre de l’assureur de l’organisateur de l’activité sportive.
Le contrat litigieux avait pour objet la participation de personnes à une activité sportive de plongée sous-marine. Le transport en bateau avait pour seul but de les conduire sur la zone de la plongée et de les en ramener. Les participants avaient été placés dans le bateau pour répartir au mieux leur poids sur les boudins et assurer ainsi l’équilibre de l’embarcation. Des consignes sur le comportement à adopter pendant le trajet leur avaient été données pour pallier les chocs éventuels.
La Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir déduit de ces circonstances, d’une part, que le transport des participants à cette activité sportive présentait des spécificités excluant de le considérer comme un contrat de transport détachable du contrat principal, d’autre part, que les passagers du zodiac étaient tenus d’une participation active notamment pendant la phase de déplacement entre le site de plongée et la plage, en sorte que l’organisateur n’était débiteur durant cette phase, comme pendant l’activité elle-même, que d’une obligation de sécurité de moyens à leur égard.
Ainsi, lorsque le transport est intégré dans une opération plus globale, il n’est pas détachable du contrat principal, de sorte que le droit du transport de passagers qui impose au transporteur une obligation de sécurité de résultat ne s’applique pas.
Dans cette hypothèse, la nature de l’obligation à laquelle l’organisateur est tenu pendant le transport dépend de la participation à laquelle le participant est tenu pendant la phase de déplacement.
L’obligation de l’organisateur sera de moyens lorsque le participant aura un rôle actif pendant le transport et de résultat lorsqu’il aura un rôle passif.
Vente – Nullité – Effets – Restitution des fruits – Bonne foi – Fruits postérieurs au jour de la demande en justice – Auteur de la demande
Civ. 3ème, 1er octobre 2020, n°19-20737, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information des arrêts de la Cour de cassation et sur le site de la Cour de cassation
Dans cet arrêt publié, la troisième Chambre civile rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’acquéreur dont le contrat de vente est annulé ou résolu cesse d’être de bonne foi et ne peut prétendre conserver les fruits de la chose initialement acquise, à compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l’annulation de la vente.
A compter de cette date, par application des articles 549 et 550 du code civil, il est, en effet, réputé connaître les vices du contrat par lequel il est en possession de la chose et être tenu de restituer les fruits de la chose au vendeur qui en est demeuré rétroactivement propriétaire par l’effet de la nullité ou de la résolution.
Il s’agit là d’une jurisprudence constante (v. par ex : Civ 3ème, 27 novembre 2002, B. 244 ; 21 janvier 2015, n°13-26.325 ; Civ. 3ème, 13 juillet 2016, B. 99).
La Haute juridiction ajoute ici une précision supplémentaire, en indiquant qu’ « il importe peu à cet égard que la demande en résolution ou en annulation émane d’un tiers au contrat de vente ».
Tel était le cas en l’espèce, où la nullité de la vente du bien immobilier litigieux avait été demandée par les locataires du bien, en conséquence de la nullité de l’offre de vente qui leur avait été adressée sur le fondement de l’article 10-I de la loi du 31 décembre 1975.
Le fait que la nullité de la vente n’ait pas été demandée par le vendeur ou l’acquéreur ne pouvait autoriser ce dernier à ne pas restituer les loyers qu’il avait perçus à compter de la demande de nullité de la vente. Quel que soit l’auteur de la demande, il était alors informé des vices qui entachaient son titre de propriété et ne pouvait plus percevoir les loyers de bonne foi.
Donation – donations rémunératoires – donation révocable – preuve de l’absence d’intention libérale
1ère civ, 16 décembre 2020, n°19-13701, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Cet arrêt de principe s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article 1096 du code civil, antérieures à la réforme du divorce (loi n°2004-439 du 26 mai 2004).
Antérieurement à ladite loi, les donations consenties pendant le mariage étaient librement révocables.
En application des dispositions transitoires prévues par la loi de 2004, toute donation conclue antérieurement au 1er janvier 2005 demeure soumis à cette règle.
Ainsi, la révocation des donations permet au donateur, en application de l’article 1096 ancien, de se prévaloir d’une créance à l’encontre de son conjoint à hauteur des montants ayant fait l’objet des donations révoquées.
Mais le donataire peut neutraliser la créance en faisant valoir que la remise de fonds dont il a bénéficié constituait en réalité une donation rémunératoire.
Dans l’arrêt du 16 décembre précité, la Cour de cassation a posé le principe suivant lequel le juge, pour exclure le caractère rémunératoire des donations consenties par un époux à son conjoint, doit caractériser l’intention libérale animant l’époux donateur qu’il incombe à ce dernier de prouver.
Ainsi, à l’inverse des juges du fond, la Cour de cassation a exclu que la révocation des donations emporte par elle-même celle des donations rémunératoires.
Dès lors il appartient à l’époux qui soutient que les paiements qu’il a effectués pour le compte de son conjoint constituent une donation révocable d’établir qu’ils n’ont pas eu d’autre cause que son intention libérale.
Succession – Calcul du montant de l’indemnité de réduction
1ère Civ., 4 novembre 2020, n° 19-10179, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Par cet arrêt, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler le mode de calcul du montant de l’indemnité de réduction due par l’héritier ayant bénéficié d’une libéralité dite excessive.
Le calcul doit s’effectuer en deux temps – la valeur des biens pris en compte étant différente selon l’étape du calcul.
1) Tout d’abord l’article 922 du code civil précise quels sont les éléments qui composent la masse de calcul permettant de déterminer le montant de la réserve et de la quotité disponible.
Cette masse de calcul se compose des biens existant au décès selon leur valeur à l’ouverture de la succession.
Les libéralités sont ensuite imputées successivement sur la réserve du gratifié ou sur la quotité disponible, selon qu’elles ont été faites en avancement de part successorale ou hors part successorale.
Si l’imputation des libéralités révèle que l’une d’entre elles est excessive – la réserve de l’héritier et la quotité disponible étant épuisées – ce dernier sera alors tenu au paiement d’une indemnité de réduction.
Ainsi, la masse de calcul de l’article 922 du code civil permet de déterminer la portion excessive de la libéralité réductible.
2) Le montant de l’indemnité de réduction est ensuite fixé conformément à l’article 868 du code civil.
Or selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le montant de l’indemnité de réduction d’une donation doit être fixé d’après la valeur du bien donné au jour du partage, ou tout au moins à la date la plus proche possible de celui-ci, et d’après son état au jour où la libéralité a pris effet (1ère Civ., 21 juin 1989, B. 245 ; 20 mars 1990, n° 88-17858 ; 3 février 2004, B. 36 ; 6 novembre 2013, B. 214).
La Haute juridiction a ici rappelé ce principe.
Elle a ainsi censuré la cour d’appel qui avait retenu que seule devait être prise en compte, pour le calcul du montant de l’indemnité de réduction, la valeur du bien donné au jour de l’ouverture de la succession – peu important que celle-ci ait pu diminuer au jour du partage.
Elle a en effet rappelé que si l’application de l’article 922 permettait de déterminer la proportion dans laquelle les libéralités étaient réductibles, il convenait, pour le calcul de l’indemnité de réduction, de retenir la valeur des biens donnés à l’époque du partage.
Prescription – exécution des décisions de justice en Nouvelle-Calédonie – délai de cinq ans
1ère Civ., 9 décembre 2020, n° 19-15207, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle qu’est exclue en Nouvelle-Calédonie l’application de l’article 23 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, instaurant un délai de dix ans pour poursuivre l’exécution de titres exécutoires et qu’en l’absence, sur ce territoire, de délai spécifique au delà duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à exécution, il peut l’être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans, et ce, quelle que soit la nature de la créance constatée par le titre exécutoire.
En l’espèce, le prêteur, qui avait consenti à l’emprunteur un prêt destiné à l’acquisition d’un bien immobilier, avait délivré à celui-ci un commandement aux fins de saisie immobilière sur le fondement d’un jugement du tribunal de première instance.
La cour d’appel avait déclaré son action prescrite aux motifs que le délai de prescription biennal de l’article L. 137-2 du code de la consommation s’appliquait tant à l’action en vue d’obtenir un titre exécutoire qu’à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu.
Or, le délai de prescription du code de la consommation n’était pas applicable.
Bail rural – Résiliation judiciaire – Causes – Moment d’appréciation
Civ. 3ème, 12 novembre 2020, n°19-18811
Dans cet arrêt inédit, la Cour de cassation rappelle que si les juges du fond apprécient souverainement les manquements du preneur du bail rural susceptibles de justifier la résiliation du bail, tels que le fait de compromettre la bonne exploitation du fonds, ils doivent apprécier lesdits manquements au jour de la demande de résiliation.
Droit commercial
Com. 25 novembre 2020, n° 18-25992
Après plusieurs hésitations jurisprudentielles, la Cour de cassation juge désormais de façon constante que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants (Chambre mixte 17 mai 2013, B. 1 ; Com. 18 mai 2017, n° 15-20458 ; 13 février 2019, n° 17-19223) et que la résolution du contrat principal entraine, par voie de conséquence, la caducité du contrat de location financière (Com. 4 novembre 2014, B. 159 ; 11 mai 2017, n° 15-15987).
Cependant, les juges d’appel ne peuvent relever d’office le moyen tiré de l’interdépendance des contrats et, corrélativement, de la caducité du contrat de location en raison de la résiliation du contrat de prestation, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, (Com. 17 mai 2017, n° 15-28215).
C’est ce que la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler dans notre affaire en censurant, au visa de l’article 16 du code de procédure civile, la cour d’appel qui, pour prononcer la caducité du contrat de location financière et rejeter, en conséquence, les demandes en paiement des loyers formées par le bailleur, avait d’office retenu, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, que le contrat de maintenance conclu entre le locataire et le fournisseur et le contrat de location financière étaient interdépendants de sorte que la résiliation du premier, à la date du 13 janvier 2014, emportait caducité du second à la même date et l’absence d’exigibilité des loyers trimestriels postérieurs.
Procédure Civile
2ème Civ., 17 septembre 2020, n° 19-15814, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Dans le cadre d’un litige prud’homal, une cour d’appel a considéré que la notification des conclusions de l’appelant à l’avocat de l’intimé, lequel était associé d’une société inter-barreaux était irrégulière et entachait l’appel de caducité au motif qu’elle avait été faite au siège de la société d’avocat située à Lyon et non dans les locaux où l’avocat exerçait ses fonctions à Marseille.
La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 21 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993, selon lequel chaque avocat associé exerçant au sein d’une société d’exercice libéral exerce les fonctions d’avocat au nom de la société.
Elle en déduit qu’en application de l’article 690 du code de procédure civile, les notifications entre avocats sont régulièrement accomplies, à l’égard d’une société d’avocats, au siège de celle-ci et qu’il n’est dérogé, s’il y a lieu, à cette règle que pour les affaires soumises à une postulation par avocat, hypothèse dans laquelle il résulte de l’article 8, III, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, que les notifications sont, à peine de nullité pour vice de forme, adressées au lieu où est établi l’avocat membre de la société d’avocats par le ministère duquel celle-ci postule.
Ce qui n’est pas le cas d’une affaire prud’homale qui n’était pas soumise aux règles de la postulation par avocat.
Appel – recevabilité – voie de recours – droit à un recours effectif
2ème Civ., 10 décembre 2020, n° 19-20441
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a censuré la cour d’appel qui, pour déclarer la requête de l’appelant irrecevable, avait retenu qu’elle n’était pas contresignée par un avocat et que l’appelant n’avait pas constitué avocat dans le délai légal d’un mois à compter du dépôt de la requête comme l’exigeait pourtant l’article 899-2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
La Haute juridiction a cependant rappelé que l’acte de notification d’un jugement qui ne mentionne pas la voie de recours ouverte, son délai ou ses modalités d’exercice ou qui comporte des mentions erronées le concernant, ne fait pas courir le délai de recours.
Or, en l’espèce, la notification du jugement faite à l’appelant n’indiquait pas qu’il devait constituer avocat pour exercer son recours et ne mentionnait pas toutes les modalités légales prévues pour former appel.
L’acte de notification étant irrégulier, la cour d’appel ne pouvait se fonder sur la circonstance que l’appelant n’avait pas constitué avocat dans le délai requis pour déclarer son appel irrecevable.
Droit social et de la sécurité social
Soc, 25 novembre 2020, n°18-13769, 18-13770, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information, au rapport annuel et sur le site de la Cour de cassation
Cet arrêt destiné à la plus large publication s’inscrit dans la jurisprudence Molex consacrée le 2 juillet 2014 par la Chambre sociale (Soc, 2 juillet 2014, n°13-15209 et suivants, au bulletin) par laquelle elle a jugé qu’hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un employeur à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
Cette jurisprudence restrictive du co-emploi a été par la suite réitérée par la Cour de cassation par ses arrêts Continental et 3 Suisses (Soc, 6 juillet 2016, n°14-27266 et suivants, au bulletin et 6 juillet 2016, n°15-15481 à 15-15545).
Il n’en reste pas moins que les juges du fond étaient dans la grande majorité des cas censurés par la Cour de cassation dès lors qu’ils retenaient à tort une situation de co-emploi.
C’est dans ce contexte que la Chambre sociale est venue, par l’arrêt précité du 25 novembre 2020, préciser les critères applicables en la matière.
Ainsi, elle a affiné la jurisprudence Molex en soulignant que l’immixtion permanente de la société mère, dans la gestion économique et sociale de la société employeur, devait conduire à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
La perte d’autonomie doit être globale : la mère doit agir dans le domaine économique et social, en prenant la direction du personnel et en le gérant. Elle doit agir à la place de sa filiale qui se trouve, par conséquent, dépossédée de tous ses pouvoirs de gestion.
Autrement dit, le co-emploi est caractérisé dès lors que la filiale est une société de façade et que seule la mère agit en réalité.
La situation de co-emploi doit demeurer exceptionnelle.
Dès lors, les juges du fond devront, s’ils entendent la retenir, constater concrètement que l’employeur est dépossédé durablement de tous ses pouvoirs de direction générale, tant dans le domaine économique que social de sorte que la mère agit en réalité à sa place.
Professionnel de santé – remboursement des déplacements – date de la prescription médicale
2ème Civ., 26 novembre 2020, n°19-22583, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information de la Cour de cassation et sur le site de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle que le remboursement accordé par la caisse d’assurance maladie pour le déplacement d’un professionnel de santé ne peut excéder le montant de l’indemnité calculé par rapport au professionnel de santé de la même discipline, se trouvant dans la même situation à l’égard de la convention, dont le domicile professionnel est le plus proche de la résidence du malade.
Elle décide que pour l’application de l’article 13, C, 2, de la nomenclature générale des actes professionnels, la détermination du domicile professionnel de l’infirmier ou de l’infirmière le plus proche de la résidence du malade s’effectue à la date de la prescription médicale, et pour la durée de l’exécution de celle-ci.
En l’espèce, la cour d’appel avait condamné un professionnel de santé à payer une certaine somme à la caisse d’assurance maladie au titre de l’indu, aux motifs que l’article 13 de la nomenclature ne distinguait pas entre les actes en cours et les soins nouveaux, de sorte qu’il trouvait à s’appliquer envers tous les actes médicaux facturés.
Elle constatait qu’au cas d’espèce il existait des praticiens plus proches des patients.
Or, elle aurait dû rechercher si, pour certains malades, le professionnel de santé n’était pas, à la date de chaque prescription médicale, l’infirmier dont le domicile professionnel était le plus proche de leur résidence, même si, en cours d’exécution de ces prescriptions, des praticiens plus proches s’étaient ensuite installés.
Droit Fiscal
CE, 31 décembre 2020, SCI Calme, req. n° 428.297, mentionné aux tables du recueil Lebon
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat, rappelle qu’en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci(CE, Sect., 20 juin 2003, Société Etablissements Lebreton–req. n° 232.832).
Il applique ensuite cette règle, dans le cadre des dispositions de l’article 209 du code général des impôts,au d’un déficit subi pendant un exercice qui peut être considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice.
A cet égard, le Conseil d’Etat indique que :
– il appartient, en premier lieu au contribuable de justifier l’existence d’un déficit reportable et son montant ;
– il s’acquitte de cette obligation par la production d’une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante ;
– dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l’administration, si elle s’y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d’un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures ;
– il appartient alors au juge de l’impôt d’apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l’administration.
Responsabilité des services fiscaux à l’égard des collectivités territoriales – Nature du préjudice – Pertes de recettes – Montant du préjudice – Prise en compte des impositions perçues à tort par la collectivité – Existence, à condition que cette perception présente un lien direct avec la faute – Préjudice diminué des dégrèvements pris en charge par l’Etat – Absence (art. 1960 du CGI).
CE, 15 octobre 2020, Communauté urbaine de Dunkerque, req. n° 420.040, mentionné aux tables du recueil Lebon
Précisant ses précédents arrêt Commune de Cherbourg-Octeville du16 novembre 2011 (req. n° 344.621) et Commune de Valdoiedu 24 avril 2012 (req. n° 337.802), le Conseil d’Etat retient qu’une faute commise par l’administration lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement ou de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard d’une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice.
Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l’administration et notamment du fait de ne pas avoir versé à cette collectivité ou à cette personne des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement à son profit.
Le montant du préjudice indemnisable doit être calculé en tenant compte, le cas échéant, des impositions qui ont pu être perçues à tort par la même collectivité, à condition que cette perception ait un lien direct avec la faute qui se trouve à l’origine du préjudice dont la réparation est demandée.
Il indique, en outre, qu’il résulte du 1 de l’article 1960 et du 1 du I de l’article 1641 du code général des impôts que les dégrèvements prononcés par l’administration fiscale en matière de taxe professionnelle sont supportés par l’Etat. Par suite, le préjudice indemnisable d’une collectivité ou d’un établissement public de coopération intercommunale ne peut être diminué de sommes ayant fait l’objet d’un dégrèvement pris en charge par l’Etat.
Droit Public
CE, 23 décembre 2020, req. n° 428.196, mentionné aux tables du recueil Lebon
Dans cette décision, le Conseil d’Etat, indique pour la première fois que l’appréciation par laquelle les commissions instituées par l’accord collectif conclu, en vertu de l’article L. 441-1-2 du code de la construction et de l’habitation, entre le représentant de l’Etat et les organismes disposant d’un patrimoine locatif social dans le département, estiment qu’un demandeur de logement social remplit les conditions pour être regardé comme prioritaire au titre des engagements d’attribution prévu par cet accord s’exerce sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, lequel exerce un contrôle normal, justifiant ainsi la censure du jugement par lequel le tribunal a limité son office à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.
Urbanisme et aménagement du territoire- Règles de procédure contentieuse spéciales- Pouvoirs du juge-Annulation par voie de conséquence.
CE, 25 septembre 2020, req. n° 432.511 et 436.284, mentionné aux tables du recueil Lebon
Lorsque le juge administratif, saisi de conclusions à fin d’annulation d’une autorisation d’urbanisme, estime par un premier jugement, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de l’acte attaqué est susceptible d’être régularisé et sursoit en conséquence à statuer par application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, les motifs de ce premier jugement qui écartent les autres moyens sont au nombre des motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif du jugement qui clôt finalement l’instance, si ce second jugement rejette les conclusions à fin d’annulation en retenant que le vice relevé dans le premier jugement a été régularisé, dans le délai imparti, par la délivrance d’une mesure de régularisation.
Dans ces conditions, indique le Conseil d’Etat, il appartient au juge d’appel ou de cassation, saisi de conclusions dirigées contre ces deux jugements, s’il annule le premier, d’annuler en conséquence, le cas échéant d’office, le second.
Urbanisme et aménagement du territoire – aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine
CE, 10 décembre 2020, Commune de La Baule-Escoublac, req. n° 428.303
Il résulte des dispositions de l’ article L. 642-1 du code du patrimoine que la création d’une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) est fondée sur un diagnostic architectural, patrimonial et environnemental portant sur le territoire de l’aire dans son ensemble.
La légalité du classement de parcelles dans cette aire doit être appréciée au regard de l’objectif de mise en valeur de cet ensemble et non au regard de l’intérêt qu’elles présentent par elles-mêmes.
En l’espèce, la commune avait institué une AVAP comportant trois secteurs dont l’un devait servir de terrain d’assiette à un projet de construction d’un hôtel, autorisé par un permis de construire délivré par le maire.
Le requérant avait excipé de l’illégalité de l’AVAP, dont le règlement comportait des dispositions dérogatoires notamment relatives à la hauteur des construction, afin d’obtenir l’annulation du permis de construire.
Le juge d’appel avait accueilli ce moyen en se fondant, pour juger que le classement du terrain d’assiette du projet litigieux dans l’aire de mise en valeur du patrimoine de La Baule était illégal, sur le motif qu’il n’était pas justifié que le secteur de l’aire de mise en valeur correspondant à ce seul terrain présenterait par lui-même un intérêt culturel, architectural, urbain, paysager, historique ou archéologique.
Ce motif a, en conséquence, été censuré pour erreur de droit.
Police des gens du voyage-Urbanisme et aménagement du territoire- Autorisations d’utilisation des sols diverses- Autorisations relatives au camping, au caravaning et à l’habitat léger de loisir-Champ d’application – Exclusion – Aires de grand passage.
CE, 28 septembre 2020, Commune de Ruffey-sur-Seille, req. n° 430.521, mentionné aux tables du recueil Lebon
Il résulte de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 et de l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme, éclairés par leurs travaux préparatoires, que si les « aires de grand passage » sont au nombre des emplacements, susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels, que les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage prévoient, elles ne sont destinées qu’à l’accueil temporaire et non à l’installation de résidences mobiles au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 et, par suite, leur aménagement n’entre pas dans le champ des travaux soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable par l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme.
Collectivités territoriales- Coopération- Syndicats mixtes.
CE, 8 décembre 2020, SIAEA de Saint-Jean-d’Illac et de Martignas-sur-Jalle et autres, req. n° 438.328, 438.329 et 438332, mentionné aux tables du recueil Lebon
Il résulte de l’article L. 5711-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT), éclairé par les travaux parlementaires qui ont précédé son adoption, que la participation d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à un syndicat mixte devient sans objet, au sens de ce texte, ce qui lui ouvre la possibilité d’être autorisée à s’en retirer, que si cette commune ou cet établissement ne dispose plus de la compétence au titre de laquelle il ou elle participait à ce groupement.
Le défaut d’objet ne peut donc pas résulter d’un choix de cette commune ou de cet établissement.
Contrats et Marchés – Recours des tiers contre le contrat – Annulation – Conditions – Contrat ayant un contenu illicite ou se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité devant être relevé d’office
CE, 10 décembre 2020, Société Air Loyauté, req. n° 432.602
On sait qu’il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences et qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat.
En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci.
Le Conseil d’Etat rappelle le caractère restrictif des cas d’annulation en précisant dans cet arrêt qu’elle ne peut être prononcée que dans le cas où le contrat a un contenu illicite ou se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité devant être relevé d’office.
En l’espèce, il était reproché au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir pris en compte des capacités financières de l’attributaire du marché, considérées comme insuffisantes par le candidat évincé, et la cour administrative d’appel a retenu que ce vice avait exercé une influence déterminante dans le choix de l’attributaire et constituait une irrégularité grave de nature à porter atteinte aux règles de liberté de la concurrence et d’égal accès à la commande publique.
Le Conseil d’Etat a censuré ce raisonnement en relevant que cette circonstance ne pouvait à elle seule, et notamment à défaut de révéler une intention de favoriser un candidat, être regardée comme caractérisant un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat à l’exclusion de toute autre mesure.
Droit Pénal et procédure pénale
Crim, 16 décembre 2020, n°20-85289, à paraître au Bulletin des arrêts de la chambre criminelle, au Bulletin d’information de la Cour de cassation et sur le site de la Cour de cassation
Par cet arrêt de principe, destiné à une large publication, la Chambre criminelle a d’abord jugé qu’il se déduit de l’article 131 du code de procédure pénale que le juge d’instruction ne peut délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n’est pas en fuite, sans avoir effectué les démarches requises pour l’entendre et sans avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l’espèce.
En l’occurrence, les juges avaient expressément relevé qu’il n’était pas contesté qu’au moment où le magistrat instructeur avait décerné le mandat d’arrêt contre l’intéressé, celui-ci résidait à l’étranger.
Or la chambre de l’instruction s’était bornée à énoncer de manière abstraite qu’un mandat d’arrêt peut être décerné contre une personne soit en fuite, soit résidant à l’étranger, si les faits objet de l’information sont punis d’une peine d’emprisonnement ou d’une peine plus grave.
Dès lors qu’il résultait de la procédure que l’intéressé disposait d’une adresse à l’étranger, il convenait de solliciter qu’il y soit entendu avant de pouvoir constater, le cas échéant, qu’il était en fuite et d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte.
La chambre de l’instruction qui n’a effectué aucune de ces recherches qui s’imposaient pourtant à elle n’a en conséquence pas justifié sa décision. Elle est donc censurée.
Saisie pénale immobilière– fondement de la saisie – motivation
Crim, 21 octobre 2020, n°19-87783
Par cet arrêt, la Chambre criminelle vient rappeler l’exigence de motivation qui incombe au juge de la saisie pénale.
En l’occurrence l’arrêt attaqué, de la chambre de l’instruction, confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention est censuré faute pour cette dernière :
-de s’être assurée du caractère confiscable du bien saisi au regard de l’infraction de travail dissimulé, seule infraction objet de la procédure dans le cadre de laquelle le bien avait été saisi à défaut de mentions permettant de qualifier des indices de blanchiment,
-d’avoir précisé en quoi le bien immobilier aurait permis la commission de l’infraction de travail dissimulé,
-d’avoir caractérisé la libre disposition du bien par le gérant de la société propriétaire et seul mis en cause à ce stade de la procédure dans le cadre de l’enquête.
La Chambre criminelle souligne que ces recherches opérantes s’imposaient à la chambre de l’instruction qui s’était quant à elle prononcée par des motifs inopérants tenant au risque de dissipation du bien.