Droit civil et
procédure civile

Contrat – responsabilité – banque – devoir d’information, de conseil et de mise en garde – perte de chance
2ème civ, 20 mai 2020, n°18-25.440, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information des arrêts de la Cour de cassation et sur le site de la Cour de cassation

Dans cet arrêt de principe, la Cour de cassation a rappelé que la perte de chance constituait un préjudice qui ouvrait nécessairement droit à réparation dès lors qu’elle était établie.

Par conséquent, lorsque le souscripteur d’un contrat d’assurance groupe n’a pas rempli correctement son devoir de conseil de l’assuré quant aux limites de la prise en charge, il n’appartient pas à ce dernier, pour que la perte de chance de souscrire une garantie plus large soit caractérisée, de démontrer qu’il aurait effectivement pu obtenir d’un autre assureur une garantie non prévue dans le contrat.

La Cour de cassation a ainsi censuré la cour d’appel qui s’était fondée sur la circonstance inopérante que l’assuré ne démontrait pas que complètement informé il aurait contracté une autre assurance qui l’aurait couvert contre l’incapacité de travail qui lui avait été reconnue.

Une telle circonstance n’était pas de nature à exclure toute probabilité de réalisation de la perte de chance invoquée.

Contrat – contrat d’entreprise – travaux supplémentaires – accord
Civ. 3ème, 14 mai 2020, n°19-13.355

Dans cet arrêt, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a rappelé l’importance de la force obligatoire des contrats, principe cardinal du droit des obligations, en prononçant une double cassation à l’encontre d’un arrêt de cour d’appel ayant statué sur l’exécution d’un contrat d’entreprise qui avait donné lieu à des retards et à la réalisation de travaux supplémentaires à ceux initialement commandés.

En premier lieu, elle a censuré la cour d’appel qui, pour rejeter la demande du maître d’ouvrage en paiement de pénalités de retard, avait retenu que cette dernière avait été informée des difficultés affectant le planning avant la date initiale de réception des travaux et qu’elle n’avait pas contesté l’existence même de ces difficultés, qui s’étaient concrétisées par un décalage des travaux dans le temps, que la date de réception prévue dans le marché initial comme point de départ des pénalités de retard était, de fait, devenue inapplicable ou caduque, dans le cadre d’une exécution de bonne foi dans ce marché, dès lors que celui-ci avait été modifié dans sa teneur de façon substantielle et que ses modalités de mise en œuvre avaient, en outre, été alourdies par des événement extérieurs à l’entreprise.

Elle a jugé qu’en statuant ainsi, la cour d’appel avait modifié les droits et obligations légalement convenus entre les parties en excipant du devoir d’exécuter les obligations de bonne foi.

En second lieu, elle a rappelé le principe constant selon lequel l’entrepreneur ne peut exiger le paiement de travaux supplémentaires que si le maître d’ouvrage les a expressément commandés avant leur réalisation ou les a acceptés sans équivoque après leur exécution (v. déjà : Civ. 3ème, 27 septembre 2006, n°05-13.808, B. 189).

Contrat – contrat d’entreprise – faute du sous-traitant – responsabilité de l’entrepreneur principal
Civ. 3ème, 25 juin 2020, n°19-15.929

Dans cet arrêt, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel la faute du sous-traitant engage la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur principal à l’égard du maître de l’ouvrage (v. par ex : Civ. 3ème, 11 mai 2006, n°04-20.744, 04-20.426, B. 119 ; 12 juin 2013, n°11-12.283).

Elle censure par voie de conséquence l’arrêt qui, pour rejeter la demande d’indemnisation formée par les maîtres de l’ouvrage à l’encontre de l’entrepreneur au titre de désordres d’isolation phonique, avait retenu qu’aucune faute contractuelle n’était établie à l’encontre de ce dernier, après avoir constaté que la faute de conception des planchers était imputable à son sous-traitant.

Cet arrêt démontre que la règle selon laquelle l’entrepreneur principal répondu du fait du sous-traitant est générale et s’applique quelle que soit la faute commise par ce dernier, qu’il s’agisse d’une faute d’exécution ou de conception.

Prescription – effet interruptif – dénonciation – débiteur principal – effet caution
Civ. 1ère, 9 septembre 2020, n°18-25.997

Dans cet arrêt, la première Chambre civile rappelle une règle classique du droit des obligations, énoncée à l’article 2246 du code civil, selon laquelle l’interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.

Elle en fait une application apparemment simple et censure une cour d’appel qui avait déclaré l’action d’un créancier à l’encontre de caution irrecevable alors que ce dernier avait signifié un commandement de payer valant saisie immobilier au débiteur principal dans le délai de prescription.

Cet arrêt présente cependant un intérêt supplémentaire moins évident, dans la mesure où la cour d’appel avait constaté que le créancier s’était désisté devant le juge de l’exécution de la procédure de saisie immobilière engagée contre le débiteur principal.

Il en résulte que si ce désistement avait eu pour effet de rendre non avenu l’effet interruptif de l’assignation à comparaître devant le juge de l’exécution délivrée par le créancier au débiteur, par application de l’article 2243 du code civil, il avait laissé intact l’effet interruptif du commandement de payer valant saisie immobilière préalablement délivré.

Par cet arrêt, la Cour de cassation refuse implicitement d’assimiler le commandement de payer à une demande en justice et cantonne l’application de l’article 2243 du code civil, aux termes duquel « l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée », à l’effet interruptif d’une telle demande (v. déjà :Civ. 2ème, 1er février 2018, n°16-24.732 ; 26 septembre 2019, n°18-10.962).

Appel – appel sur la nullité du jugement – effet dévolutif de l’appel
2ème civ., 19 mars 2020, n°1-11.387, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information des arrêts de la Cour de cassation et sur le site de la Cour de cassation

Rappelant que lorsqu’un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l’acte introductif d’instance, la cour d’appel, saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité.

Ainsi, une cour d’appel saisie d’un appel tendant à l’annulation d’un jugement, ne peut se contenter de se prononcer sur la demande d’annulation et à ce titre de juger non fondé le moyen tiré de l’absence de partialité du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Il se doit de statuer sur le fond de la contestation, en application de l’article 562, alinéa 2, du code de procédure civile.

En l’occurrence, la cour avait à tort retenu que l’appelant en faisant le choix de ne poursuivre que l’annulation du jugement par la voie de l’appel, n’était pas en droit d’étendre ultérieurement cet appel à une demande de réformation de ce jugement dès lors que l’intimé n’avait pas formé d’appel incident.

En statuant ainsi, rappelle la deuxième Chambre civile, alors qu’elle était saisie d’un appel tendant à l’annulation du jugement, la cour d’appel qui n’a pas statué au fond a méconnu l’effet dévolutif de l’appel.

Saisie immobilière – Alsace Moselle – notification des actes – notification entre avocats
Civ. 2ème, 2 juillet 2020, n°19-12.753, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information des arrêts de la Cour de cassation et sur le site de la Cour de cassation

Dans cet arrêt, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a rappelé l’importance de garantir aux parties d’une procédure de saisie immobilière en Alsace-Moselle un procès équitable, malgré son caractère gracieux, en veillant notamment à ce que chaque partie ait eu connaissance des conclusions de son adversaire.

Elle s’assure dans ce cadre que les juges du fond respectent notamment les règles relatives à la notification des actes entre avocats.

Elle a ainsi censuré, au visa de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et des articles 672 et 673 du code de procédure civile, une cour d’appel qui s’était prononcée sans débat au visa de conclusions du créancier sur lesquelles avait été apposé un tampon de l’ordre des avocats de Strasbourg faisant état de leur notification et revêtu de la signature de l’avocat du créancier (soit de l’auteur des conclusions), sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées à l’avocat adverse et que ce dernier en avait eu connaissance et avait été en mesure d’y répondre.

Elle a rappelé à cet égard que les articles 672 et 673 du code de procédure civile qui régissent la notification des actes entre avocats disposent que la signification des actes entre avocats est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom de l’avocat destinataire et que la notification directe des actes entre avocats s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé.

La signature de l’auteur des conclusions ne pouvait, dans ces conditions, attester de la bonne signification de celles-ci à leur destinataire et assurer le respect du principe de la contradiction.

Droit commercial

Liquidation judiciaire – appel – parties intimées – ministère public – non – absence de lien d’indivisibilité
Com., 9 septembre 2020, n°18-26.824, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles et au Bulletin d’information des arrêts de la Cour de cassation

Cette décision apporte des précisions sur la situation procédurale du ministère public dans l’instance d’appel d’un jugement d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.

En l’espèce, une société civile immobilière avait été mise en redressement judiciaire. Et sur demande du mandataire judiciaire ayant été désigné, le tribunal a converti la procédure en liquidation judiciaire et désigné un liquidateur.

La société mise en liquidation avait interjeté appel de cette décision et demandé à la cour de mettre un terme à la procédure collective. La cour d’appel avait déclaré irrecevable l’appel au motif que le ministère public n’avait pas été appelé à l’instance.

Dans un attendu de principe, la Cour de cassation a jugé qu’il résulte de la combinaison de l’article L. 661, 1, 2° et R. 661-6, 1° du code de commerce et de l’article 424 du code de procédure civile que si le débiteur qui fait appel du jugement prononçant sa liquidation judiciaire doit intimer les mandataires de justice, à raison du lien d’indivisibilité existant, en cette matière, entre le débiteur et ces mandataires, un tel lien n’existe pas à l’égard du ministère public, partie jointe, auquel il appartient seulement à la cour d’appel de communiquer l’affaire.

Elle a en conséquence censuré l’arrêt de la cour d’appel qui avait énoncé que la faculté ouverte au ministère public par l’article L. 661,1, 2°, du code de commerce de former appel du jugement qui prononce la liquidation judiciaire le mettait sur le même plan que les autres parties à la procédure, d’autant qu’il devait être en mesure de faire connaître son avis en appel et en avait déduit qu’au titre de l’indivisibilité applicable en matière de liquidation judiciaire, il appartenait à la société civile immobilière de mettre en cause le ministère public en dénonçant l’assignation au procureur général.

Cet arrêt est intéressant en ce qu’il se prononce pour la première fois sur l’existence d’un lien d’indivisibilité entre le ministère public d’une part, et les autres parties à la procédure de liquidation judiciaire, d’autre part, et conclut à l’absence d’un tel lien.

Auparavant, la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur l’existence d’un lien d’indivisibilité entre le débiteur et le mandataire judiciaire en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire (Com, 28 avril 1998, B 135 ; 13 septembre 2017, n°16-17007).

Une telle solution est justifiée par le fait qu’une liquidation judiciaire ne peut pas être considérée comme ayant été ouverte qu’à l’encontre de certaines parties seulement.

Le lien d’indivisibilité permet ainsi de préserver une unité dans la décision.

L’absence de lien d’indivisibilité entre le ministère public et les autres parties à la procédure est liée au statut procédural particulier dont il bénéficie.

En application de l’article 424 du code procédure civile, le ministère public est partie jointe lorsqu’il intervient pour faire connaître son avis sur l’application de la loi dans une affaire dont il a communication.

Par ailleurs il résulte des dispositions de l’article R 661-6 1° du code de commerce que l’appelant d’un jugement rendu en matière de liquidation judiciaire n’a pas l’obligation d’intimer le ministère public lorsque celui-ci intervient en qualité de partie jointe et doit seulement l’aviser de la date de l’audience.

Cette différence de statut procédural s’explique par le fait que contrairement au débiteur, au mandataire de justice et aux créanciers, le ministère public intervenant en qualité de partie jointe n’exécute pas le jugement prononçant une liquidation judiciaire : il n’est que le garant du respect de l’ordre public économique et de l’exacte application de la loi.

Redressement judiciaire – surendettement – débiteur – profession libérale – avocat
Com., 17 juin 2020, n°19-10.464, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles et au Bulletin d’information des arrêts de la Cour de cassation

Par cet arrêt de principe, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle qu’il résulte, d’une part, de l’article L. 711-3 du code de la consommation que le dispositif de traitement des situations de surendettement prévu par ce même code n’est pas applicable lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce et d’autre part, de l’article L. 631-2 du code de commerce que la procédure de redressement judiciaire est applicable notamment à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, sans qu’il y ait lieu de distinguer suivant la nature de l’endettement invoqué.

Dès lors, il importe peu que la créance en cause soit dépourvue de tout lien avec l’activité professionnelle de l’un des avocats débiteurs en cause dont il résultait des constatations de l’arrêt frappé de pourvoi qu’il était associé avec un avocat, au sein d’une société, pour y exercer tous deux leur activité professionnelle.

La cour d’appel retenant qu’il n’était pas établi que ces deux avocats avaient effectivement cessé leur activité à titre individuel, il en résultait qu’il était indifférent que la créance en cause fût dépourvue de tout lien avec l’activité professionnelle de ces derniers.

Par cet arrêt destiné à la publication, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation vient confirmer une solution qu’elle avait déjà précédemment consacrée dans un arrêt du 18 février 2016 relatif à un professionnel exerçant une activité libérale de conseil en auto-entreprise (2èmeciv., 18 février 2016, n°14-29223).

Droit social et
de la sécurité sociale

Contrat de travail – contrat de travail à temps partiel – requalification contrat à temps complet – action en paiement du salaire – prescription
Rappelant les dispositions des articles L 1471-1 (l’action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans) et L 3245-1 du code du travail (l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit pas trois ans), dans leur rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, la Chambre sociale censure une cour d’appel qui, pour déclarer prescrite une demande de requalification d’un salarié ainsi que toutes les actions qui pourraient en être la conséquence, a énoncé que sa demande est soumise au délai de prescription du premier de ces textes.

Ainsi, décide la Cour de cassation, l’action en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire et comme telle soumise au délai de prescription prévu par l’article L 3245-1 du code du travail.

Cette décision s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Chambre sociale qui, dans un arrêt du 19 décembre 2018 (Soc, 19 décembre 2018, n°16-20522) avait déjà consacré la règle susvisée.

Sécurité sociale – Prévoyance – Opérations collectives à adhésion obligatoire – Réticence ou fausse déclaration intentionnelle – Sanctions – Exception – Obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel – Champ d’application – Possibilité pour l’institution de prévoyance de faire valoir la faute du salarié (non)
2ème Civ., 16 juillet 2020, n° 18-14.351 à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles, au Bulletin d’information des arrêts de la Cour de cassation et sur le site de la Cour de cassation

Le gérant de trois sociétés avait, conformément aux dispositions de l’article 7 de la convention collective de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, souscrit les 8 novembre 1996 et 31 mai 1998, pour le personnel cadre de chacune de ces sociétés, trois contrats de prévoyance à adhésion obligatoire couvrant les risques d’incapacité, d’invalidité, de décès et d’invalidité absolue et définitive auprès d’une institution de prévoyance.

Le gérant, en tant que cadre, a adhéré à ces régimes de prévoyance et rempli un questionnaire de santé et, à la demande des sociétés souscriptrices, les garanties prévues dans ces contrats ont été étendues au plafond de la tranche C de la sécurité sociale à compter du 1er juillet 1998.

A la suite de trois accidents du travail survenus les 14 février 1997, 12 juillet 1997 et 11 mai 1999, le gérant s’est vu attribuer le 1er octobre 2000 par la caisse primaire d’assurance maladie de Sarreguemines un taux d’incapacité permanente de 100 %.

Après avoir servi des indemnités journalières et une rente d’incapacité, l’institution de prévoyance a interrompu ses versements et refusé le bénéfice d’un capital décès anticipé et d’une rente d’éducation en invoquant une fausse déclaration intentionnelle du gérant.

Le gérant a assigné l’institution de prévoyance en exécution des garanties souscrites et a obtenu gain de cause en appel, la cour statuant par un arrêt du 9 mars 2017 rendu sur renvoi après une première cassation (2ème Civ., 26 mars 2015, n°14-15.088).

En substance, l’institution de prévoyance sollicitait l’application des deux premiers alinéas de l’article L. 932-7 du code de la sécurité sociale alors que le gérant opposait le dernier alinéa du même texte.

Selon ce texte :

« Lorsque la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle du participant change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour cette institution, alors même que le risque omis ou dénaturé par le participant a été sans influence sur la réalisation du risque, la garantie accordée par l’institution à ce participant est nulle.

Les cotisations payées à ce titre demeurent acquises à l’institution.

Les dispositions de l’alinéa qui précède ne sont pas applicables aux opérations dépendant de la durée de la vie humaine qui comportent une valeur de rachat.

Lorsque l’adhésion à l’institution résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, les dispositions des deux premiers alinéas ne s’appliquent pas ».


Interprétant ce dernier alinéa, la Cour de cassation retient que l’exception prévue aux sanctions édictées par l’article, lorsque l’adhésion à l’institution résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, n’opère aucune distinction selon les modalités de désignation de l’institution, le niveau des garanties souscrites, le nombre ou la qualité des salariés bénéficiaires, de sorte que la cour d’appel a décidé à bon droit que les dispositions du dernier alinéa s’appliquaient même si l’employeur conservait le choix de l’institution de prévoyance, s’il n’avait pas souscrit les seules garanties minimales prévues par la convention collective nationale et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et si le groupe assuré était composé d’un unique cadre salarié.

La Cour de cassation ajoute que lorsqu’en application de l’article L. 932-7, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, l’institution de prévoyance doit sa garantie, nonobstant la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle d’un participant dès lors que l’adhésion résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, cette institution de prévoyance ne peut échapper à son obligation de garantie en invoquant la responsabilité civile du salarié participant.

Droit public

Contrats et marchés publics – Règles de procédure contentieuse spéciales – Litiges en matière de contrats conclus par les assemblées parlementaires – contrats susceptibles d’être soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence – Inclusion
CE, 10 juillet 2020, Société Paris Tennis, req. n° 434.582, publié au recueil Lebon

La société avait saisi le juge administratif d’un recours tendant à l’annulation du contrat conclu le 12 janvier 2016 entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis et ayant pour objet l’occupation temporaire du domaine public en vue de l’exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg pour une durée de quinze ans.

L’article 8 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dans sa rédaction issue de l’article 60 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine énonce de manière limitative, les instances susceptibles d’être engagées contre les assemblées parlementaires.

Il est ainsi indiqué que « la juridiction administrative est également compétente pour se prononcer sur les litiges individuels en matière de marchés publics. / Dans les instances ci-dessus visées, qui sont les seules susceptibles d’être engagées contre une assemblée parlementaire, l’Etat est représenté par le président de l’assemblée intéressée, qui peut déléguer cette compétence aux questeurs (…) ».

Dans un premier temps, se posait donc la question de la recevabilité de la requête.

Le Conseil d’Etat a décidé que si l’article 60 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui a complété l’article 8 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, n’a explicitement mentionné, au titre des litiges en matière de contrats sur lesquels la juridiction administrative est compétente pour se prononcer, que les litiges relatifs aux marchés publics, il résulte des travaux parlementaires que l’intention du législateur a été de rendre compatibles les dispositions de l’ordonnance avec les exigences de publicité et de mise en concurrence découlant notamment du droit de l’Union européenne. Elles ne sauraient donc être interprétées comme excluant que le juge administratif puisse connaître de recours en contestation de la validité de contrats susceptibles d’être soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence.

Se posait ensuite la question de savoir si le contrat litigieux était soumis ou non à des obligations de publicité et de mise en concurrence.

Le Conseil d’Etat a écarté la qualification de concession de service public et relevé que les dispositions de l’article L. 2122-1-1 du CGPPP, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, qui imposent une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable à une autorisation d’occupation du domaine public en vue d’exercer une activité économique, n’étaient pas applicables à la date du contrat.

Néanmoins, sur le fondement de l’article 12 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le délai de transposition expirait le 28 décembre 2009 : il a estimé que les obligations de publicité et de mise en concurrence en découlant étaient susceptibles de s’appliquer aux autorisations d’occupation du domaine public, y compris lorsqu’est en cause une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul Etat membre.

Or la cour administrative d’appel qui était saisie du moyen tiré de la méconnaissance des objectifs de la directive, l’a écarté au motif, inopérant, de l’absence d’intérêt transfrontalier dispensant le Sénat d’organiser une procédure de mise en concurrence avant la signature du contrat.

L’arrêt a ainsi été censuré pour erreur de droit.

Droit des étrangers – Convocation à un rendez-vous pour déposer une demande de titre – Refus opposé à une demande d’avancement de la date – Décision faisant grief – Nature et régime des recours – Office du juge
CE, Avis, 1er juillet 2020, req. n° 436.288, publié au recueil Lebon

Compte tenu de l’importance des demandes de titre de séjours et de l’exigence, en principe, de la présence physique des demandeurs, les préfectures ont pris pour habitude de leur fixer des rendez-vous qui interviennent cependant souvent, en pratique, dans des délais excessivement longs.

Le Conseil d’Etat a donc dû connaître de ces difficultés.

Par un arrêt du 10 juin 2020, il a décidé que :

– eu égard aux conséquences qu’a sur la situation d’un étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, la détention du récépissé qui lui est en principe remis après l’enregistrement de sa demande et au droit qu’il a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France, il incombe à l’autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l’enregistrement de sa demande, dans un délai raisonnable

– lorsque le rendez-vous ne peut être obtenu qu’en se connectant au site internet de la préfecture, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, si l’étranger établit qu’il n’a pu obtenir une date de rendez-vous, malgré plusieurs tentatives n’ayant pas été effectuées la même semaine, il peut demander au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L 521-3 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de lui communiquer, dans un délai qu’il fixe, une date de rendez-vous. Si la situation de l’étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il fixe un délai bref en cas d’urgence particulière.

Par l’avis du 1er juillet 2020, le Conseil d’Etat a apporté de nombreuses précisions notamment dans l’hypothèse où le demandeur de titre a vainement demandé que son rendez-vous soit avancé :

– la convocation de l’étranger par l’autorité administrative à la préfecture afin qu’il y dépose sa demande de titre de séjour, qui n’a d’autre objet que de fixer la date à laquelle il sera, en principe, procédé à l’enregistrement de sa demande dans le cadre de la procédure devant conduire à une décision sur son droit au séjour, ne constitue pas une décision faisant grief, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;

– si l’étranger souhaite que la date de convocation qui lui a été fixée soit avancée, il lui appartient de saisir l’autorité administrative d’une demande en ce sens. La décision par laquelle l’autorité administrative refuse de faire droit à une telle demande peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir. S’il s’y croit fondé, l’intéressé peut assortir son recours en annulation d’une requête en suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ;

– l’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir de la décision refusant de faire droit à la demande d’un étranger d’avancer son rendez-vous pour déposer sa demande de titre de séjour réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office de proposer une autre date de rendez-vous ;

– il en résulte que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus de l’autorité administrative d’avancer un rendez-vous en vue du dépôt d’une demande de titre de séjour, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des circonstances prévalant à la date de sa décision ;

– il lui appartient alors d’exercer un contrôle normal sur le respect du délai raisonnable, qui doit s’apprécier notamment en fonction de la durée et des conditions du séjour de l’étranger en France, de la date et du fondement de sa demande de titre de séjour et de sa situation personnelle et familiale ;

– en cas d’annulation et en fonction des éléments énoncés au point précédent mais aussi du nombre de demandes de rendez-vous en attente et des capacités de traitement de la préfecture concernée, il appartient au juge d’enjoindre au préfet de proposer à l’étranger, dans un délai qu’il fixe, une nouvelle date de rendez-vous ;

– si la situation de l’étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il en va de même pour le juge des référés lorsqu’il prononce la suspension de l’exécution de la décision de refus sur le fondement de l’article L. 521-1 du CJA ;

– dans l’hypothèse où il apparaît que la date de rendez-vous qu’il était demandé d’avancer est dépassée à la date à laquelle il statue, le juge de l’excès de pouvoir doit constater que le litige porté devant lui a perdu son objet ;

– alors même que le référé régi par l’article L. 521-3 du CJA code revêt un caractère subsidiaire, l’étranger qui estime être dans une situation d’urgence immédiate ne lui permettant pas d’attendre une réponse de l’autorité administrative à la demande de rendez-vous rapproché qu’il a présentée, peut saisir le juge des référés sur le fondement de ces dispositions. S’il considère remplies les conditions qu’elles posent, le juge des référés peut enjoindre au préfet d’avancer la date précédemment proposée.

Travail dominical et des jours fériés en Alsace-Moselle – Pouvoirs des départements et communes de limiter les heures d’ouverture des commerces – Notion de branche d’activité
CE, 10 juin 2020, Département du Bas-Rhin, req. n° 424.389

Il résulte des articles L. 3134-2 et suivants du code du travail qu’en Moselle, dans le Bas-Rhin et dans le Haut-Rhin, les exploitations commerciales ne peuvent employer de salariés ni être ouvertes à la vente au public le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte et ne le peuvent pas plus de cinq heures les autres dimanches et jours fériés.

Les mêmes dispositions confèrent un large pouvoir d’appréciation aux départements et aux communes pour exercer la faculté qu’elles leur ouvrent de réduire davantage la durée du travail ou d’interdire complètement le travail pour toutes les exploitations commerciales ou pour certaines « branches d’activité », tant en décidant d’adopter un statut local qu’en en déterminant les modalités et, notamment, en choisissant le cas échéant de ne pas retenir un régime unique pour toutes les exploitations commerciales.

Une telle différenciation ne peut cependant être faite que dans la mesure où elle se rapporte aux exploitations commerciales relevant d’une même  » branche d’activité  » qu’il leur appartient ainsi d’identifier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir.

Le département du Bas-Rhin a adopté un règlement départemental en vertu duquel, pour les commerces à prédominance alimentaire, seuls pouvaient être ouverts les dimanches et jours fériés, ceux dont la surface de vente est inférieure ou égale à 399 mètres carrés, hors « drive », s’appuyant à cet égard notamment sur la nomenclature de l’INSEE.

La cour administrative d’appel avait considéré que ce type de commerce ne constituait pas une « branche d’activité ».

Le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt en retenant que :

– sont généralement admises, pour l’identification de marchés pertinents par l’Autorité de la concurrence et la jurisprudence européenne et nationale, les catégories distinguées par l’Institut national de la statistique et des études économiques, dans la nomenclature d’activités française approuvée par l’article 1er du décret du 26 décembre 2007, pour les commerces à prédominance alimentaire, lesquelles retiennent un plafond de 120 mètres carrés de surface de vente pour les commerces d’alimentation générale, un plafond de 400 mètres carrés pour les  » supérettes  » et un plafond de 2 500 mètres carrés pour les supermarchés au-delà duquel l’activité est identifiée comme celle d’hypermarchés ;

– eu égard à l’ensemble des caractéristiques des commerces concernés pour la zone couverte par la délibération du conseil départemental du Bas-Rhin, le département est fondé à soutenir que la cour administrative d’appel a inexactement qualité les faits de l’espèce en jugeant que les commerces à prédominance alimentaire, hors  » drive « , dont la surface de vente est inférieure ou égale à 399 mètres carrés, ne pouvaient être regardés comme constituant une  » branche d’activité  » au sens de l’article L. 3134-4 du code du travail.

Droit fiscal

Cession à titre onéreux par les dirigeants de petites et moyennes entreprises des titres de leur société lors de leur départ en retraite – Abattement fiscal (année 2010) – article 150-0 D bis et 150-0 D ter du CGI – Extension du régime aux membres du groupe familial par la doctrine administrative – Article L. 80 A du LPF – Conditions posées par l’instruction 5 C-1-07 publiée le 22 janvier 2007
CE, 22 juin 2020, req. n° 429.538

A la suite d’un contrôle sur pièces portant sur l’année 2010, l’administration a remis en cause le bénéfice de l’abattement pour une durée de détention prévu à l’article 150-0 D ter du code général des impôts dont le contribuable s’était prévalu pour l’imposition de la plus-value résultant de la cession, le 18 mai 2010, des titres d’une société dont les parents du contribuable étaient les dirigeants, ces derniers ayant cédé leurs titres simultanément.

Le régime d’abattement est en principe réservé aux personnes ayant effectivement assuré des fonctions de dirigeant pendant au moins les cinq années précédant la cession.

Toutefois, l’instruction 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 admet que les dispositions de l’article 150-0 D ter s’appliquent également aux gains nets de cession de titres de sociétés réalisés par certains ou par tous les autres membres du groupe familial à certaines conditions.

Notamment l’instruction indique qu’en cas de cession à une entreprise, les autres membres du groupe familial ne doivent pas détenir, directement ou indirectement, de participation (droits de vote ou droits financiers) dans la société cessionnaire.

L’administration avait relevé qu’un frère du contribuable qui ne faisait pas partie des cédants, était associé de la société ayant acquis les titres et a fondé la remise en cause de l’abattement sur cette circonstance.

Le Conseil d’Etat a considéré qu’il résultait des termes même de l’instruction que la condition tenant à l’absence de participation dans la société cessionnaire concernait les seuls membres du groupe familial qui cèdent leurs parts le même jour que le cédant qui entend se prévaloir de l’abattement prévu par les dispositions de l’article 150-0 D ter du code général des impôts.

Les conditions posées à l’abattement ont en effet pour seul objet d’empêcher des cessions fictives où le dirigeant bénéficierait de l’abattement tout en restant en pratique le dirigeant de la société.