Newsletter trimestrielle n°13

A l’issue du premier trimestre de l’année 2021, le cabinet vous propose, comme à l’accoutumée, une sélection de décisions importantes rendues dans des affaires qu’il a traitées devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

Cette newsletter commente de manière synthétique des arrêts qui, toutes matières confondues, auront justifié une publication au Recueil Lebon ou au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ou présentent un intérêt juridique et pratique.

Droit civil

Obligations – nullité – dol – conditions – application au contrat de cautionnement

Com., 17 février 2021, n°19-16673

Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que les juges du fond ne peuvent annuler un contrat (en l’occurrence, un contrat de cautionnement) pour dol, sans constater, d’une part, l’intention dolosive de l’auteur du dol invoqué, fût-ce un professionnel, et d’autre part, le caractère déterminant de l’erreur commise en conséquence dudit dol.

 Ainsi, le simple constat par les juges du fond du manquement d’une banque à son obligation précontractuelle d’information ne peut suffire à caractériser un dol de sa part et à justifier l’annulation d’un contrat de cautionnement sur un tel fondement.

 

Préjudice réparable – perte de chance de bénéficier d’un avantage fiscal – déni de justice – perte de chance de ne pas payer les intérêts de retard

1ère Civ., 3 février 2021, n° 19-17740

Dans la perspective de bénéficier d’un avantage fiscal dans le cadre du dispositif de défiscalisation Girardin, des époux ont acquis un appartement en l’état futur d’achèvement à Saint-Martin.

L’appartement n’ayant pas été loué dans les six mois suivant l’achèvement des travaux, l’administration fiscale a adressé aux époux un redressement fiscal en leur indiquant que les conditions pour bénéficier du régime de défiscalisation Girardin n’étaient pas remplies.

Les acquéreurs ont assigné en responsabilité le promoteur-vendeur et le gestionnaire immobilier qui avaient manqué à leurs obligations en tardant à louer le bien.

Par cet arrêt la Cour de cassation a tout d’abord rappelé que le juge est tenu d’évaluer le préjudice dont il a constaté l’existence en son principe.

Elle a ainsi censuré la cour d’appel qui avait refusé d’indemniser le préjudice des acquéreurs tiré de la perte de chance de bénéficier d’un avantage fiscal dont elle avait constaté l’existence en son principe.

Elle a ensuite rappelé que si le contribuable n’avait pas acquitté à l’échéance l’impôt légalement dû en raison du manquement du professionnel à ses obligations, la perte de chance de ne pas payer les intérêts de retard s’analyse en un préjudice réparable.

La Cour de cassation avait déjà jugé que les intérêts de retard constituaient un préjudice réparable (voir par ex. : 2ème Civ., 21 octobre 2004, n° 03-15756 ; 1ère Civ., 5 avril 2012, n° 10-27771 ; 10 septembre 2014, n° 13-16485).

Elle a ici censuré la cour d’appel qui, pour rejeter la demande des époux acquéreurs au titre du préjudice lié aux intérêts de retard, avait jugé l’inverse.

 

Construction – travaux – action directe du sous-traitant – acceptation tacite – Loi du 31 décembre 1975

3ème Civ., 28 janvier 2021, n° 19-26271

La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance a pour objectif de protéger les sous-traitants contre la faillite de l’entrepreneur principal.

Ses articles 3 et 12, notamment, autorisent le sous-traitant à exercer, sous certaines conditions, une action directe contre le maître de l’ouvrage afin d’obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues.

Le maître de l’ouvrage doit cependant avoir accepté le sous-traitant et agréé ses conditions de paiement.

Par cet arrêt, la Cour de cassation a rappelé que l’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement, qui lui ouvrent l’action directe contre le maître de l’ouvrage, peuvent être tacites et résulter d’actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l’ouvrage de l’accepter et d’agréer ses conditions de paiement.

La Haute juridiction l’avait déjà jugé (voir par ex. : 3ème Civ., 8 juin 1994, n° 92-13222 ; 3 mars 1999, B. 56 ; 22 octobre 2002, n° 01-12033 ; 14 mars 2006, n° 03-17298 ; Com. 11 juillet 2006, n° 05-10293 ; 3ème Civ., 18 mai 2017, n° 16-10179, au Bulletin).

Elle a ici précisément reproché à la cour d’appel de ne pas avoir recherché, comme il le lui était demandé, si le paiement par le maître de l’ouvrage de notes d’honoraires émises par la société sous-traitante et le virement direct d’une somme sur le compte bancaire de cette dernière ne constituaient pas des actes manifestant sans équivoque la volonté du maître d’ouvrage d’accepter le sous-traitant et d’agréer ses conditions de paiement.

 

Droit de la famille – partenaire d’un PACS – aide mutuelle

1ère Civ., 27 janvier 2021, n° 19-26140, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civiles

L’article 515-4 du code civil dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives ».

Dans cet arrêt, la Cour de cassation étend aux partenaires d’un PACS les règles applicables au devoir d’aide entre époux ou concubins pour l’acquisition d’un immeuble constituant le logement de la famille.

Il s’ensuit que la cour d’appel, qui estime souverainement que les paiements effectuéspar l’un des partenaires l’avaient été en proportion de ses facultés contributives, eu égard à la différence de revenus avec l’autre partenaire, peut décider que les règlements relatifs à l’acquisition du bien immobilieropérés par celui-ci participent de l’exécution de l’aide matérielle entrepartenaires et qu’il ne peut prétendre bénéficier d’une créance à ce titre.

Procédure civile

Arbitrage – compétence de la juridiction étatique – cas – obligation des juges du fond de vérifier leur compétence, en cas de saisine antérieure d’un tribunal arbitral

Civ. 1ère, 17 mars 2021, n°20-14360, à paraître au Bulletin

Dans cet arrêt à paraître au bulletin, la première Chambre civile rappelle qu’aux termes de l’article 1448 du code de procédure civile, applicable à l’arbitrage international en vertu de l’article 1506 du même code, « lorsqu’un litige d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente, sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou inapplicable » et qu’il en résulte que « le tribunal arbitral, saisi en premier lieu, est compétent par priorité pour apprécier si un différend entre dans le champ d’application de la convention d’arbitrage ».

Elle juge en conséquence que dès lors que la saisine antérieure d’un tribunal arbitral est alléguée par les parties, les juges du fond doivent vérifier leur compétence au regard de ces seules dispositions, en recueillant au préalable les observations des parties.

Elle censure en conséquence une cour d’appel qui, pour retenir sa compétence au détriment d’un tribunal arbitral siégeant à l’étranger, avait retenu que ni l’objet du litige ni les parties n’étaient strictement identiques devant les juridictions étatiques françaises et devant le tribunal arbitral saisi, autrement dit sans constater que la convention d’arbitrage était manifestement inapplicable.

 

Autorité de la chose jugée – conditions – application à l’action en revendication

Civ. 2ème, 4 mars 2021, n°19-24666

 Dans cet arrêt, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation rappelle que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée à une demande que si cette dernière a été formée entre les mêmes parties et en la même qualité que celles à l’encontre desquelles la décision précédente a été rendue. Elle souligne ainsi qu’il n’y a pas identité de parties entre deux instances si dans l’une, la partie agit à titre personnel et dans l’autre, en qualité d’ayant-cause de son auteur.

 Elle casse en conséquence un arrêt de cour d’appel qui avait cru pouvoir opposer aux ayants-droit de l’auteur d’une action en revendication (décédé en cours d’instance) l’autorité de la chose jugée d’une décision rendue à l’encontre d’un des ayants-droit à titre personnel, au motif que dans le cadre des deux procédures, ledit ayant-droit était de fait en demande à l’action en revendication qu’il intervienne pour lui-même ou en qualité d’ayant-droit de son auteur, que le défendeur était identique et que les demandeurs, l’un ou l’autre membre de la famille, arguaient toujours des mêmes actes de possession et des mêmes pièces, en ajoutant que « dans le contexte particulier de la Polynésie française et dans le cadre de revendications de propriété par prescription trentenaire, il ne peut pas être admis que chaque membre de la famille vienne à son tour revendiquer une usucapion trentenaire sur la base d’une même occupation familiale dès lors qu’il s’agirait de soumettre sans fin les mêmes faits d’occupation à l’appréciation des tribunaux, bien que la chose demandée soit la même et que la demande soit fondée sur la même cause ».

 La décision de la cour d’appel revenait à interdire à un membre d’une famille d’agir en revendication d’une terre, au motif qu’un de ses descendants ou ascendants l’avait déjà revendiqué à titre personnel, avant lui, et à conférer ainsi une sorte de personnalité morale à une lignée familiale.

 La Haute juridiction n’a pas manqué de censurer une telle solution et de rappeler clairement que l’autorité de la chose jugée suppose une stricte identité de parties et de qualité.

 

Procédure civile – acte de procédure – nullité – vice de forme –définition – syndicat de copropriétaires – organe le représentant légalement – désignation – erreur 

Civ. 2ème, 4 mars 2021, n°19-22844

 Dans cet arrêt, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation rappelle, au visa des articles 114 et 117 du code de procédure civile, que « dans un acte de procédure, l’erreur relative à la dénomination d’une partie n’affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu’un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief ». 

Elle censure en conséquence une cour d’appel qui avait jugé que les conclusions d’un appelant qui désignaient, en qualité d’intimé, un syndicat de copropriétaires, représenté par un syndic qui n’était plus en exercice, étaient entachées d’une irrégularité de fond et devaient par conséquent être écartées.

Elle précise ainsi que « l’erreur dans la désignation du syndic représentant le syndicat de copropriétaires intimé dans des conclusions émanant de l’appelant ne peut constituer qu’un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief ».

Autrement dit, la seule erreur commise par l’appelant dans la désignation du syndic représentant le syndicat des copropriétaires intimé ne suffit pas à justifier la nullité de ses conclusions, en l’absence de grief.

 

Procédure civile– renvoi après cassation – délai de saisine de la juridiction de renvoi – non application du délai de distance

2èmeCiv., 4 février 2021, n°19-23638, à paraître au Bulletin des arrêts des chambres civileset sur le site de la Cour de cassation

Dans cet arrêt, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l'article 631 du code de procédure civile qu'en cas de renvoi après cassation l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi.

Elle en déduit que, parconséquent, l'article 643 du code de procédure civile, qui prévoitl'augmentation, au profit des personnes domiciliées à l'étranger, des délaisdecomparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition, de recours enrévision et de pourvoi en cassation, ne s'applique pas au délai dans lequeldoit intervenir la saisine de la juridiction de renvoi après cassation.

 

Droit social

Maladie professionnelle – reclassement – modification du contrat de travail – refus du salarié

Soc,17 février 2021, n°19-18456

Si la solution de cet arrêt est déjà connue, son rappel n’est pas inutile.

La Chambre sociale, rappelant qu’il résulte de l’article L 1226-14 du code du travail, que ne peut être abusif le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l’employeur dès lors que la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail, censure ici une cour d’appel qui avait infirmé un conseil de prud’hommes en tant qu’il avait jugé non abusifs les refus par le salarié des postes de reclassement proposés.

Elle lui a reproché de ne pas avoir recherché, comme elle y était pourtant expressément invitée, si les postes de chef d’atelier pour la préfabrication de pieuvres électriques et de dessinateur d’études proposés par l’employeur au salarié, qui exerçait alors les fonctions de responsable de service après-vente, n’emportaient pas modification du contrat de travail de ce dernier.

Ce faisant la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

Droit Fiscal

Acte anormal de gestion – charge de la preuve – location d’immeuble

CE, 8 mars 2021, Société la Maisonnette, req. n° 433.019

En principe, pour établir l’existence d’un acte anormal de gestion, il incombe à l’administration d’établir :

  • l’appauvrissement objectif de l’entreprise résultant de dépenses indues ou de renoncement à des recettes ce qui, en cas de cession à un prix minoré ou d’acquisition à un prix majoré se caractérise par un écart significatif avoisinant les 20 % entre la valeur vénale et le prix effectif;
  • l’élément intentionnel tenant à la conscience de l’entreprise d’agir contre son intérêt.

Ce principe connaissait deux exceptions où l’élément intentionnel était présumé :

  • lorsque l’acte a pour objet de conférer un avantage à un tiers avec lequel le contribuable est en relation d’intérêt ;
  • lorsque l’acte est si anormal par nature qu’il est impossible d’envisager a priori qu’il ait été accompli inconsciemment.

Dans un récent arrêt de plénière fiscale, Société Croë Suisse du 21 décembre 2018 (req. n° 402.006), le Conseil d’Etat avait ajouté un troisième cas de présomption dans le cas d’une cession d’actif immobilisé.

Ainsi, « lorsque l’administration, qui n’a pas à se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu’elle a retenue et que le contribuable n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l’acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l’appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’elle en ait tiré une contrepartie ».

Dans l’arrêt Société d’investissements maritimes et fonciers(CE, 4 juin 2019, req. n° 418.357, mentionné aux tables du recueil Lebon), le Conseil d’Etat indique que cette présomption ne s’étend pas au cas de la cession d’actifs circulant, tels que des stocks.

Dans l’affaire Société la Maisonnette, il considère implicitement que cette présomption ne joue pas plus lorsqu’est en cause la location d’un immeuble.

Ainsi, la cour administrative d’appel qui, pour retenir l’acte anormal de gestion, considère qu’il ne résultait pas de l’instruction, notamment des études économiques dont se prévalait la société La Maisonnette, que l’administration aurait fait une inexacte évaluation de sa valeur locative du bien, commet une erreur de droit puisqu’il lui appartenait de recherchersi l’administration démontrait elle-même que le taux de rendement de 4 % appliqué sur la valeur vénale de la villa pour déterminer sa valeur locative était pertinent, alors qu’il lui incombait d’établir le caractère anormalement bas du loyer.

Droit public

Marché public – contrat de concession –émission et distribution de titres de paiement – chèques emploi-service- qualification – valeur estimée du besoin

CE, 4 mars 2021, Département de la Loire, req. n°438859

En l’occurrence, un département avait lancé la passation de plusieurs lots ayant pour objet l’émission et la distribution de chèques emploi-service universels de plusieurs types.

Il avait eu recours à une procédure sans mise en concurrence au motif que le montant du marché était inférieur à un certain seuil.

Une société émettrice de titres qui n’avait pas souhaité présenter d’offre avait saisi le juge du référé précontractuel d’une demande tendant à l’annulation des procédures de passation de plusieurs de ces lots.

Le juge du référé avait accueilli cette demande en faisant application des dispositions du code de la commande publique. Son ordonnance a été frappé de pourvoi par le département.

Le Conseil d’Etat, après avoir relevé que le coût de l’émission des titres et de leur distribution est intégralement payé par le département et que le cocontractant bénéficie, à titre de dépôt, des fonds nécessaires pour verser leur contre-valeur aux personnes physiques ou morales auprès desquelles les titres seront utilisés, a déduit de ces circonstances que ledit cocontractant ne supportait aucun risque d’exploitation. Dès lors, le contrat en cause ne pouvait être qualifié de contrat de concession et devait être regardé comme un marché public.

C’était donc à bon droit que le juge du référé précontractuel avait fait application des dispositions du code de la commande publique relatives au calcul de la valeur estimée des marchés publics.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat a tranché une question inédite relative à la valeur estimée du besoin à satisfaire.

L’article L. 2122-1 du code de la commande publique précise, en effet, que « l’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d’Etat lorsque, en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ».

La valeur estimée du besoin auquel le marché doit répondre permet ainsi de déterminer si l’acheteur peut conclure un contrat avec un opérateur économique sans publicité ni mise en concurrence.  

L’article R. 2121-1 du code de la commande publique prévoit à ce titre que « l’acheteur procède au calcul de la valeur estimée du besoin sur la base du montant total hors taxes du ou des marchés envisagés.

Il tient compte des options, des reconductions ainsi que de l’ensemble des lots et, le cas échéant, des primes prévues au profit des candidats ou soumissionnaires ».

Le Conseil d’Etat a jugé que pour l’application de ces dispositions à un marché de titres depaiement, l’acheteur doit prendre en compte, outre les frais de gestion versés par le pouvoir adjudicateur, la valeur faciale des titres susceptibles d’être émis pour son exécution, somme que le pouvoir adjudicateur doit payer à son cocontractant en contrepartie des titres mis à sa disposition.

Le Conseil d’Etat a ainsi opté pour un critère principal finaliste qui est celui de préserver la transparence de la procédure et pour deux critères plus secondaires tirés du réalisme économique et de la robustesse pratique par sa simplicité.

Cette solution présente la vertu de correspondre aux objectifs de la directive qui tend à favoriser la prise en compte des montants les plus élevés.

 

Contrats – qualification de concession de travaux – exclusion – promesse de vente entre deux personnes privées dont une SPLA, assorties assortie d’une obligation pour l’acquéreur de réaliser, dans le respect de la vocation de la zone d’aménagement concerté, un programme de constructions – contrat de droit privé

CE, 4 mars 2021, Société Socri Gestion, req. n° 437.232

Etait en cause dans cette affaire une promesse synallagmatique de vente entre deux personnes privées assortie d’une obligation, pour l’acquéreur, de réaliser, dans le respect de la vocation de la zone d’aménagement concerté, un programme de constructions.

Le juge de cassation devait examiner si cette convention pouvait être qualifiée de concession de travaux, le vendeur étant une société publique locale d’aménagement.

Le Conseil d’Etat retient que  le contrat litigieux est relatif, à une promesse de vente par la SPLA d’un terrain destiné à recevoir des bâtiments et ouvrages, et qu’après la réalisation de cette cession, cette société ne disposera plus sur ce terrain, ces bâtiments et ces ouvrages d’aucun droit d’exploitation qu’elle serait susceptible d’attribuer à l’acquéreur.

Il considère qu’après avoir relevé, par une appréciation souveraine de l’objet de ce contrat, qui n’est pas susceptible, sauf dénaturation non soulevée en l’espèce, d’être contestée devant le juge de cassation, que le droit de l’acquéreur d’exploiter les terrains cédés, ainsi que les biens qu’il y ferait édifier, prenait sa seule source dans le droit de propriété transféré par ce contrat, et non dans un droit d’exploitation conféré par la SPLA, qui s’est privée définitivement de ce droit en consentant à l’aliénation des terrains en cause, la cour administrative d’appel a pu, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur de qualification juridique des faits, en déduire que ce contrat ne pouvait être qualifié de concession de travaux publics.

Le Conseil d’Etat, pour exclure la qualification de contrat administratif, relève encore que la SPLA n’était pas mandataire d’une personne publique et n’était pas plus une entreprise transparente.

 

Elections du maire délégué- commune associée – Polynésie française

CE, 17 février 2021, req. n°446777

Dans cette affaire, le tribunal administratif de la Polynésie française, pour annuler l’élection du 3 juillet 2020 conseil municipal de Anaa désignant le maire délégué de la section de Faaite, avait jugé que l’article L 2573-3 VI du code général des collectivités territoriales, issu de l’article 3 de la loi n°2016-1658 du 5 décembre 2016, relatif à la désignation du maire délégué dans les communes associées en Polynésie française, était applicable quel que soit le nombre d’habitants par commune.

Selon le tribunal, ces dispositions, qui poursuivent l’objectif de garantir la représentation des électeurs de la section de commune quelle que soit l’importance de celle-ci, ne font aucune distinction entre les communes de moins de 1000 habitants et celles de plus de 1000 habitants et ne conditionnent leur application à aucun mode de scrutin particulier, alors même qu’elles se réfèrent à la notion de liste.

Il en déduisait qu’elles s’appliquaient en l’occurrence, où la population de la commune de Anaa comptait moins de 1000 habitants.

Il faisait application du 2ème alinéa de l’article L 2113-22 du CGCT et jugeait que l’élection du maire délégué était entachée d’illégalité dès lors qu’un autre membre du conseil municipal était le conseiller élu de la liste ayant recueilli le plus de suffrages dans la section de Faaite avec 128 voix alors que le maire délégué n’avait obtenu que 114 voix.

Le Conseil d’Etat a censuré le raisonnement du tribunal administratif.

Il a jugé que les dispositions qui prévoient que les maires délégués des communes associées doivent être désignés par le conseil municipal, après chaque renouvellement général, prioritairement parmi les conseillers élus sur la liste ayant recueilli le plus de suffrages dans la section correspondante ou, à défaut de candidature d’un des conseillers municipaux élus sur la liste arrivée en tête dans la section, parmi les conseillers élus sur les autres listes de la section correspondante, ou encore à défaut parmi les autres membres du conseil municipal, ne peuvent trouver à s’appliquer dans les communes où le conseil municipal est élu au scrutin de liste.

Il s’ensuit que l’élection des maires délégués des communes de moins de 1000 habitants, dont les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours, n’entrent pas dans leur champ d’application. 

 

Urbanisme – autorisation d’urbanisme – intérêt à agir – syndicat de copropriétaires

CE, 24 février 2021, Syndicat des copropriétaires de la résidence La Dauphine, req. n° 432.096, mentionné aux tables du recueil Lebon

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle d’abord la règle selon laquelle, eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie en principe d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.

L’apport de l’arrêt consiste à faire application de cette règle lorsque le requérant est un syndicat de copropriétaires.

Ainsi, le syndicat des copropriétaires d’un immeuble situé sur la parcelle jouxtant le terrain d’assiette d’un projet de construction ayant donné lieu à permis de construire, qui fait notamment état, pour justifier de son intérêt à demander l’annulation de ce permis, de l’importance du projet, justifie d’un intérêt pour agir.

 

Procédure – référé mesures utiles – procédure contradictoire – audience

CE, 30 mars 2021, req. n° 438858

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que le juge des référés mesures utiles qui statue en vertu de l’article L. 521-3 n’est en principe pas tenu d’organiser une audience mais que lorsqu’il décide de le faire, il doit convoquer régulièrement les parties afin de respecter le caractère contradictoire de la procédure.

En l’espèce, le juge des référés était saisi par l’administration d’une requête tendant à l’expulsion des occupants d’un logement géré par le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile. Il a décidé d’organiser une audience mais a demandé au préfet de procéder à la notification de sa requête et de l’avis d’audience aux défendeurs par la voie administrative.

Le préfet ayant reçu cet avis 34 minutes avant l’audience et les défendeurs étant absents et non représentés, le juge de cassation a censuré l’ordonnance.

Droit pénal et procédure pénale

Peine –aggravation d’une peine d’amende sur le seul appel du prévenu et des parties civiles – appréciation de l’aggravation, peine avec sursis

Crim., 16 mars 2021, n° 20-82174, à paraître au Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation et sur le site internet de la Cour de cassation

Dans cette affaire la Chambre criminelle rappelle qu’en vertu de l’article 515 du code de procédure pénale, la cour d’appel ne peut, sur le seul appel desparties civiles et du prévenu, aggraver la peine prononcée à l’encontre de cedernier.

En l’espèce, le prévenu avait été condamné à une peine d’amende de 3.000 euros en première instance.

Alors que lui seul et la partie civile avaient interjeté appel, la cour d’appel a porté cette peine d’amende à un montant de 4.000 euros assorti du sursis.

La Cour de cassation censure l’arrêt puisque l’aggravation de la peine s’apprécie au regard de son quantum et non au regard du prononcé du sursis qui ne constitue qu’une modalité d’application de la peine.