Newsletter trimestrielle n°13

Tout juste avant l’été, le cabinet vous propose, une nouvelle fois, une sélection dedécisions importantes rendues dans des affaires qu’il a traitées devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

Cette newsletter commente de manière synthétique des arrêts qui, toutes matières confondues, auront justifié une publication au Recueil Lebon ou au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ou présentent un intérêt juridique et pratique.

Droit civil

Responsabilité civile – Banque – devoir de mise en garde du banquier

1ère Civ., 19 mai 2021, n°19-20568

La Cour de cassation précise dans cet arrêt sa jurisprudence sur le devoir de mise en garde de la banque.

Elle y rappelle que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie si, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté à ses capacités financières ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, résultant de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Aussi, il ne suffit pas que la banque n’ait pas procédé à une analyse préalable des capacités financières des emprunteurs et des cautions pour que sa responsabilité soit engagée.

Encore faut-il que la preuve d’un risque d’endettement excessif soit rapportée.

Ainsi, la Cour de cassation censure la cour d’appel quiavait retenu que la banque n’avait pas procédé à l’analyse des renseignements sur le patrimoine, les revenus et les charges de l’emprunteur et ne s’était pas enquis de la situation patrimoniale des cautions et que, s’étant abstenue de faire remplir une fiche de renseignement à l’emprunteur et aux cautions, elle ne justifiait pas avoir satisfait à son obligation de mise en garde à l’égard de celles-ci.

En se déterminant ainsi, sans constater que l’engagement souscrit par les cautions n’était pas adapté à leurs capacités financières ou qu’il existait unrisque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt garanti, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’ancien article 1147 du code civil.

Responsabilité civile – Banque – garantie d’achèvement- péremption permis de construire

3ème civ, 8 juillet 2021, n°19-25774, 19-25775, 19-25777, 19-25778, 19-25779

Dans cette affaire, une banque avait consenti à un promoteur immobilier une garantie financière d’achèvement sous forme de cautionnement solidaire. Il était stipulé que cette garantie cessait de plein droit en cas de péremption du permis de construire rendant impossible la construction de l’immeuble.

Par la suite, des époux ont, par un acte authentique de vente, acquis deux lots en l’état futur d’achèvement.

Postérieurement à la vente, la banque, en sa qualité de garant d’achèvement, avait découvert que les travaux de construction n’avaient jamais progressé. Elle avait alors refusé de mettre en œuvre la garantie financière d’achèvement en se prévalant de la péremption du permis de construire.

Les époux acquéreurs avaient fait assigner le promoteur-vendeur, l’office notariale et la banque en résolution de la vente pour défaut de délivrance, en résolution subséquente des prêts accessoires et en indemnisation du préjudice subi.

L’office notariale avait formé un recours en garantie contre la banque.

Le moyen de cassation, pour l’essentiel, soutenait que le garant d’achèvement, qui avait connaissance d’un risque de péremption du permis de construire et, partant, d’inefficacité de la garantie d’achèvement qu’il s’était engagé à fournir, devait en informer les acquéreurs et le notaire chargé d’instrumenter les ventes en l’état futur d’achèvement.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

Elle a tout d’abord approuvé la cour d’appel qui avait énoncé à bon droit que le garant d’achèvement n’est pas tenu de s’assurer du bon déroulement des travaux.

Elle a ensuite jugé qu’ayant fait ressortir que le garant d’achèvement n’avait pas connaissance, à la date des actes de vente, ni antérieurement, de la situation financière obérée des sociétés du groupe de promotion immobilière, laquelle lui avait été dissimulée par la remise d’attestations d’avancement des travaux réalisés sur d’autres opérations ne reflétant pas la réalité, ni de l’absence de tout commencement de travaux sur le chantier en cause, que le seul défaut de facturation des entreprises ne suffisait pas à rendre suspecte, la cour d’appel, qui avait retenu à bon droit que la garantie d’achèvement prévue à l’article R. 261-21 du code de la construction et de l’habitation, seule souscrite, est distincte de la garantie de remboursement au cas de résolution de la vente prévue à l’article R. 261-22 du même code, avait pu déduire de ces énonciations et constatations souveraines que la société notariale, qui ne s’était pas assurée avant la signature des actes intervenue les 9, 10, 17, 29 avril et 5 mai 2008, du démarrage effectif des travaux, sans lequel le permis de construire encourait la péremption au 14 juin suivant, n’était pas fondée en son recours à l’encontre du garant d’achèvement, au titre des préjudices causés par la résolution des ventes, exclusivement imputables à la faute de celle-ci.

Droit des sociétés – Abus de majorité – Coup d’accordéon – Question prioritaire de constitutionnalité

Com., 9 juin 2021, n°20-22.246, publié au Bulletin

Dans cet arrêt publié au Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation était saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité dans une affaire dans laquelle était en cause une opération de « coup d’accordéon » qualifiée par la partie demanderesse d’abus de majorité.

Cette dernière lui demandait de renvoyer au Conseil constitutionnel la question suivante : « L’interprétation constante de l’article 1382, devenu 1240, du code civil par la Cour de cassation selon laquelle un actionnaire majoritaire peut valablement décider, au cours d’une même assemblée générale extraordinaire, une réduction du capital à zéro et une libération de nouveaux titres de capitaux qui lui sont réservés, dès lors qu’un tel ‘coup d’accordéon’ est nécessaire à la survie de la société, est-elle conforme à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen lorsqu’il en résulte qu’un actionnaire minoritaire est privé de sa propriété sans recevoir une juste et préalable indemnité ? ».

La Cour de cassation a refusé de transmettre cette question au Conseil constitutionnel, en la déclarant irrecevable.

Elle a rappelé que si « tout justiciable a le droit de contester la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative », ce n’est que « sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la juridiction suprême constante ».

Et elle a jugé, en l’espèce, qu’ « il n’existe pas de jurisprudence constante selon laquelle l’article 1382, devenu 1240, du code civil serait interprété comme impliquant qu’un actionnaire majoritaire puisse valablement décider, au cours d’une même assemblée générale extraordinaire, une réduction du capital à zéro et une émission de nouveaux titres de capitaux dont la souscription lui serait réservée, sous la seule condition qu’une telle opération serait nécessaire à la survie de la société ».

Propriété littéraire et artistique – Procédure civile – Juridictions spécialisées – Champ de compétence

1ère Civ., 30 juin 2021, n°20-11.866, publié au Bulletin

Dans cet arrêt publié au Bulletin, la première Chambre civile de la Cour de cassation précise le champ de compétence des tribunaux judiciaires spécialisés en propriété littéraire et artistique.

Elle rappelle qu’ « en application [des articles L. 331-1, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle et L. 211-10 du code de l’organisation judiciaire], les actions engagées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ne relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire, que lorsque la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique ».

Etait en cause en l’espèce une action en paiement engagée par la société polynésienne des auteurs compositeurs de musique (SPACEM) au titre de l’exploitation par une société d’œuvres notamment du répertoire de la SACEM en Polynésie française.

La cour d’appel saisie du litige avait considéré que ce litige relevait des juridictions spécialisées en propriété littéraire et artistique, soit le tribunal judiciaire de Paris, en retenant que l’établissement des comptes entre les deux sociétés supposait nécessairement que soient identifiés et reconnus les droits d’auteur exclusifs qui formaient l’assiette des redevances dues par les utilisateurs et les diffuseurs.

La Cour de cassation la censure, dès lors qu’elle n’avait pas constaté que l’existence de ces droits et leur inclusion dans le répertoire des organismes de gestion concernés étaient contestée.

En l’absence d’une telle contestation, rien ne justifie la compétence d’une juridiction spécialisée.

Droit de la consommation – Démarchage à domicile – Installation photovoltaïque – Crédit affecté – Mentions obligatoires devant figurer sur le contrat – Prix unitaire des éléments de l’installation (non)

1ère Civ., 2 juin 2021, 19-22.607, publié au bulletin

A la suite d’un démarchage à domicile, des particuliers ont acquis d’une société une installation photovoltaïque, comportant notamment des panneaux photovoltaïques et un onduleur, financée par un crédit souscrit auprès d’une banque.

Soutenant que des irrégularités affectaient le bon de commande, les acquéreurs ont assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats principal et de crédit affecté.

Se fondant sur l’article L. 121-23 du code de la consommation, ils soutenaient notamment que le contrat aurait dû indiquer le prix unitaire de chaque composant de l’installation.

La Cour de cassation rejette cette argument en rappelant d’abord que selon l’article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, applicable aux contrats souscrits après le 13 juin 2014, les opérations de démarchage à domicile doivent faire l’objet d’un contrat qui doit mentionner notamment, à peine de nullité, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés et le prix global à payer et les modalités de paiement.

Elle en a déduit qu’aucun texte n’exigeait la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé.

Procédure Civile

Référé – Référé-provision – Obligation sérieusement contestable

2ème Civ., 15 avril 2021, n°20-10.966

Dans cet arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle les limites du pouvoir juridictionnel du juge des référés, au visa de l’article 809, alinéa 2 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019.

Selon ce texte, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. La Cour de cassation exerce un contrôle sur l’existence d’une telle obligation et veille à ce que les juges du fond n’allouent pas de provision, en tranchant une question de fond opposant les parties.

Ils ne peuvent ainsi accorder une provision à la victime d’un accident, en tranchant une contestation sérieuse relative à l’existence d’une faute de la victime ayant contribué à son dommage.

C’est ce qu’a rappelé ici la Cour de cassation.

Elle a, en effet, censuré une cour d’appel qui, pour allouer une provision en référé à valoir sur la réparation du préjudice de la victime, avait retenu que si le dépistage cannabistique de celle-ci s’était avéré positif, ce seul fait ne pouvait suffire à démontrer un lien de causalité avec l’accident en l’absence de toute précision sur le moment de la consommation de cannabis.

Elle a jugé qu’ « en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a tranché une contestation sérieuse relative à l’existence d’un lien de causalité entre la consommation de cannabis par [la victime] et l’accident, a violé [l’article 809, alinéa 2 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019] ».

Procédures civiles d’exécution – saisie immobilière – jugement d’adjudication – pourvoi en cassation – recevabilité – cas – excès de pouvoir – droits de la défense – principe du contradictoire

2ème civ, 20 mai 2021, n°19-15318

En principe, le jugement d’adjudication ne peut faire l’objet d’un pourvoi sauf excès de pouvoir.

L’excès de pouvoir est entendu de manière extrêmement stricte par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Depuis un arrêt de principe rendu par une Chambre mixte le 28 janvier 2005, (B 1), la Cour de cassation juge, en effet, que la méconnaissance des règles relatives aux droits de la défense et à la contradiction ne constitue pas un excès de pouvoir.

Dans la présente affaire pourtant, la Cour de cassation a accueilli le moyen de cassation qui l’invitait à juger que constitue un excès de pouvoir le fait pour le juge de statuer sur un litige qui concerne une partie n’ayant pas été appelée.

Elle a ainsi jugé que constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de statuer sans que le débiteur ait été entendu ou dûment appelé et a donc censuré le tribunal qui avait prononcé l’adjudication des biens saisis, sans qu’il ne résulte ni du jugement ni des productions que les débiteurs saisis avaient été appelés à l’audience.

Droit Social et Droit de la Sécurité Sociale

Travail – temps de travail – convention de forfait en jours – protection sécurité et santé du salarié – office du juge

Soc, 19 mai 2021, n°19-16362

Cet arrêt, bien que non publié, a le mérite de rappeler de manière pédagogique les règles en matière de convention de forfait en jours et la nécessité pour cette convention de respecter le droit à la santé et au repos, lequel est au nombre des exigences constitutionnelles.

Il rappelle encore de manière solennelle l’obligation faite aux Etats membres de respecter les dispositions relatives à la durée du temps de travail et l’interdiction qui leur est faite d’y déroger sans respecter les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Il a été rendu au visa de l’article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 151 du Traité de l’Union et à l’article L 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Ainsi, juge la Chambre sociale, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

Or en l’occurrence, la cour d’appel, pour dire que les conditions de validité de la convention individuelle de forfait en jours, sur l’année, étaient réunies et débouter le salarié de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires et des indemnités subséquentes, s’était bornée à relever que l’accord collectif relatif à l’aménagement et à l’organisation du temps de travail au sein de la société avait été régulièrement négocié et signé par les partenaires sociaux et prévoyait que les cadres autonomes bénéficiaient d’une durée de travail organisée selon un régime de forfait annuel en jours, complété par un accord relatif à l’aménagement et à l’organisation du temps de travail.

En statuant ainsi, la cour d’appel n’avait pas contrôlé si les stipulations de l’accord collectif applicable étaient bien de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Or ce contrôle aurait dû être effectué, même d’office.

Rupture du contrat de travail – VRP- indemnité spéciale de rupture

Soc, 2 juin 2021, n°18-22016, publié au Bulletin

Par cet arrêt de principe, destiné à la publication au bulletin des Chambres civiles de la Cour de cassation, la Chambre sociale s’est prononcée sur les conditions que doit apporter le représentant de commerce pour avoir droit à une indemnité spéciale de rupture en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave.

Elle a d’abord jugé qu’il résulte des articles L 7313-13 et L 7313-14 du code du travailqu’en cas de résiliation d’un contrat à durée indéterminée par le fait de l’employeur pour une autre cause que la faute grave du représentant, celui-ci bénéficie d’une indemnité spéciale de rupture, à condition d’avoir renoncé, dans les trente jours suivant l’expiration du contrat de travail, à l’indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit.

Et elle a ensuite décidé que le bénéfice de l’indemnité spéciale de rupture n’est pas, selon ces textes, subordonné à la reconnaissance d’un droit à l’indemnité de clientèle.

Dès lors, pour pouvoir bénéficier de ladite indemnité, le salarié doit, peu important qu’il puisse ou non prétendre à l’indemnité de clientèle, renoncer à son bénéfice dans les trente jours suivant l’expiration du contrat de travail.

La Cour de cassation censure la cour d’appel qui, pour condamner l’employeur à verser au salarié l’indemnité spéciale, après avoir retenu que le salarié ne rapportait pas la preuve qu’il avait apporté ou créé une clientèle en nombre ou en valeur, avait retenu que, ne remplissant pas les conditions pour bénéficier d’une indemnité de clientèle, il n’avait pas à y renoncer.

Licenciement – cause réelle et sérieuse – modification du contrat de travail

Soc,30 juin 2021, n°19-17819

Bien que classique, cette décision n’en reste pas moins importante car elle rappelle, de manière implacable, le principe essentiel suivant lequel le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause de licenciement.

La Chambre sociale censure donc une cour d’appel qui, pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, avait néanmoins énoncé que le refus du nouveau poste proposé à la salariée avait contraint à la rupture de la relation de travail. La cassation est prononcée au visa de l’article L 1235-1 du code du travail.

Prévoyance – accord collectif de branche professionnelle du 23 janvier 2002 relatif au régime de prévoyance des intérimaires non-cadres – rente éducation

2ème civ, 6 mai 2021, n°19-22033

Pour la première fois, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur l’interprétation des dispositions de l’article 1.4.3 de l’accord collectif de branche professionnelle du 23 janvier 2002, relatif au régime de prévoyance des intérimaires non-cadres, qui prévoit que chaque enfant à la charge du salarié au moment du décès de celui-ci bénéficie d’une rente éducation.

La Cour de cassation, accueillant le moyen de cassation soulevé par l’enfant du salarié décédé, a ainsi décidé que dès lors que la victime justifiait de 1800 heures d’ancienneté dans la profession, dans les 24 mois précédant le décès, le bénéfice de la rente était dû en application des dispositions précitées.

Elle a donc censuré la cour d’appel pour avoir violé le texte dès lors que cette dernière avait jugé que la rente éducation n’avait pas vocation à être versée indépendamment du capital décès, en sorte que ses conditions d’attribution n’étaient pas différentes de celles applicables au capital décès définies en tête du chapitre IV de l’accord.

Droit Fiscal

Nouvelle-Calédonie – Régime de faveur des marchands de biens sur les droits d’enregistrements – Condition de revente dans le délai de quatre ans – Acquisition d’un terrain et revente sous forme de lot-volume – Absence de revente du terrain d’assiette – Conséquences

Com., 9 juin 2021, n° 18-17.773, Publié au bulletin

L’article Lp 279 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie institue un régime de faveur pour les marchands de biens, promoteurs et lotisseurs permettant de limiter les droits d’enregistrement proportionnels à un taux de 1% sous condition de revente dans un délai de quatre ans.

Lorsque la condition n’est pas remplie, le taux de droit commun redevient exigible et est augmenté d’un droit supplémentaire de 1 %.

En l’espèce, un marchand de biens a acquis un terrain sous ce régime de faveur et y a fait édifié une construction donnant lieu à des ventes en l’état futur d’achèvement sous forme de lot-volumes, cédant ainsi des droits de superficie.

L’administration fiscale de Nouvelle-Calédonie avait considéré qu’en cédant des lot-volumes, le marchand de biens avait conservé la propriété du terrain d’assiette et n’avait pas cédé l’entière propriété du terrain, de sorte qu’il avait perdu le bénéfice du régime de faveur.

La cour d’appel de Nouméa avait retenu que la vente de chacun des lots litigieux a eu pour objet, à partir de l’assiette parcellaire du terrain, d’individualiser, en tréfonds et dans l’espace, des volumes constituant autant de propriétés distinctes emportant transfert du foncier, de sorte que le marchand de biens avait respecté son engagement de revendre les biens acquis sous le régime de faveur.

Après avoir saisi pour avis la 3ème chambre civile, la chambre commerciale de la Cour de cassation, après avoir relevé que que les volumes mentionnés dans l’état descriptif de division portaient sur des espaces correspondant à des immeubles à construire, déterminés en altimétrie par référence à des plans côtés, ne comportant pas de parties communes indivises, et que les actes de vente litigieux portaient chacun sur un lot-volume de construction à usage d’habitation et d’emplacement de stationnement avec le droit d’y réaliser toute construction composée de deux corps de bâtiments élevés de deux étages sur rez-de-chaussée et de deux sous-sols, a considéré qu’il en résultait que les cessions des volumes à construire ne comprenaient pas le terrain d’assiette, qui demeurait la propriété du marchand de biens, de même que, le cas échéant, les espaces non compris dans les lots de volume constitués en tréfonds et en hauteur.

L’arrêt d’appel est ainsi censuré au visa des articles Lp 279 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie et des articles 552 et 553 du code civil.

Droit Public

Recevabilité des recours – Délai raisonnable – Jurisprudence Czabaj – Décision à objet purement pécuniaire – Décision fixant l’ancienneté d’un agent public d’une chambre de commerce et d’industrie (Non)–Contrôle de qualification juridique en cassation

CE, 27 avril 2021, req. n° 438.907, mentionné aux tables du recueil Lebon

Un agent public d’une chambre de commerce et d’industrie, avant d’être recruté en tant qu’agent stagiaire puis titulaire au sein de la chambre à compter du 1er septembre 1998, avait effectué des missions en tant qu’agent contractuel à compter du 1er février 1997 sans interruption.

Il s’avère que la chambre n’a jamais pris en considération la période écoulée depuis le 1er février 1997 pour le calcul de son ancienneté.

L’agent a donc sollicité le 15 juillet 2014 la régularisation de sa situation et le versement d’une indemnité en réparation de son préjudice matériel.

La cour administrative d’appel de Marseille a considéré que la décision de prendre en compte son ancienneté au 1er septembre 1998 avait été révélée par la mention explicite figurant dans les bulletins de salaire de l’intéressé établis à partir du mois d’août 2005, et a considéré que cette décision revêtait un caractère purement pécuniaire et était devenue définitive.

Ce faisant, la cour a appliqué la combinaison des jurisprudences Czabaj et Laffon(CE, 9 mars 2018, Communauté de communes du pays roussillonnais, req. n° 405.355) et a retenu que le recours de l’intéressé avait été présenté au-delà du délai raisonnable.

Le Conseil d’Etat, opérant un contrôle de qualification juridique en cassation sur la notion de décision à objet purement pécuniaire, a considéré que la décision litigieuse, en application des dispositions régissant le personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie, emportait des effets juridiques sur la situation individuelle de l’agent qui n’étaient pas exclusivement financiers, le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie attachant à l’ancienneté d’un agent des conséquences, notamment, sur les modalités de l’entretien professionnel et sur l’ouverture de certains droits à congés.

L’effet restrictif de la jurisprudence Czabaj sur le droit au recours ne pouvait donc pas trouver application en l’espèce.

Droit Pénal et Procédure Pénale

Abus de biens sociaux –compte courant créditeur – utilisation par un associé

Crim., 16 juin 2021, n° 20-83526

Dans cet arrêt, la Chambre criminelle tire les conséquences de la qualité de créancier pouvant être remboursé à tout moment de l’associé apporteur en compte courant pour écarter la qualification d’abus de biens sociaux consistant à utiliser ce solde créditeur pour régler une dépense personnelle.

En l’espèce, le prévenu avait été condamné pour avoir fait régler des dépenses personnelles par la société, dont il était créancier via un compte courant d’associé, en utilisant ce dernier comme un compte bancaire.

La Cour de cassation censure cet arrêt car il aurait fallu rechercher si ce compte courant était devenu débiteur en raison de cet usage des fonds par le dirigeant ou s’il était resté créditeur.

Dans le second cas, l’associé créancier pouvait en effet user librement du solde créditeur, même si la société était en perte, car il pouvait réclamer à tout moment le remboursement de son apport.

Conclusions – communication – obligation faite au juge de les communiquer

Crim, 2 juin 2021, n°20-84720

Bien qu’il ne soit pas de principe, cet arrêt a le mérite d’en rappeler un principe essentiel de la procédure pénale prévu par l’article 459 du code de procédure pénale.

Ainsi dans cette affaire où la cour d’appel avait écarté des débats les conclusions du prévenu en raison de ce qu’il ne les avait pas communiquées aux autres parties, la Chambre criminelle rappelle qu’il appartenait à la cour d’ordonner ou d’assurer elle-même la communication desdites conclusions.

Dès lors, l’arrêt est censuré au visa des articles préliminaires et 459 du code de procédure pénale.

Délit de violences volontaires – Caractérisation des éléments de l’infraction

Crim., 12 mai 2021, n° 20-83345

Une mère de famille avait été reconnue coupable, par les juges du fond, de violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours, sur sa fille, âgée de moins de quinze ans.

La cour d’appel avait retenu que les lésions cutanées suspectes, relevées sur le visage de l’enfant, étaient nécessairement imputables à sa mère et étaient compatibles avec des actes de préhension fermes.

La Chambre criminelle censure cette décision qui, si elle suffisait à imputer les actes de violences à la mère, ne caractérisait pas leur caractère volontaire et ne permettait donc pas d’exclure leur caractère accidentel.