Newsletter trimestrielle n°20

Avant d’évoquer les décisions de la fin de l’année 2022, le cabinet Buk Lament-Robillot vous souhaite une très belle année 2023 : meilleurs vœux de santé, de chance et de réussite à tous à l’occasion de cette nouvelle année !
La première newsletter de cette année 2023 est évidemment aussi l’occasion d’analyser de nouvelles décisions du cabinet Buk Lament-Robillot, rendues tant par la Cour de cassation que par le Conseil d’Etat.
Cette newsletter commente en particulier des arrêts qui ont été rendus entre la fin du mois d’octobre et la fin du mois dernier, dans des domaines, encore une fois, variés (redressement judiciaire, droit rural, droit des biens, procédure civile, droit social, droit de l’urbanisme, droit fiscal, contentieux électoral, droit pénal).

Leur intérêt juridique et pratique mérite qu’on s’y attarde le temps de la lecture de cette 20ème newsletter du cabinet.

Droit Civil et Commercial

Divorce – Juge compétent – Union européenne – Critères – Résidence habituelle du défendeur – Caractérisation – Appréciation souveraine des juges du fond

Civ. 1ère, 30 novembre 2022, n°21-15.988, publié au bulletin

Dans cet arrêt publié au bulletin, la première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 3, § 1, sous a), premier tiret, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux.

Elle rappelle également qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, arrêt du 25 novembre 2021, C-289/20) que la notion de résidence habituelle, au sens de l’article 3, § 1, sous a), du règlement précité, est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d’une part, un élément intentionnel, soit la volonté de l’intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé, d’autre part, un élément matériel, soit une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné (point 57), l’environnement d’un adulte étant de nature variée, composé d’un vaste spectre d’activités et d’intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux, ainsi que d’ordre privé et familial, diversifiés (point 56).

Et elle rappelle encore qu’elle abandonne au pouvoir souverain des juges du fond l’appréciation de ces éléments.

En l’espèce, elle a en conséquence jugé que la cour d’appel qui avait « relevé qu’après avoir vécu pendant longtemps à l’étranger en raison de l’activité professionnelle de l’époux, le [couple marié] propriétaire [en (Belgique)], d’une maison occupée par leur fille aînée depuis 2013, et d’une villa [en France], louée jusque fin 2017, étaient revenus en Europe en mai 2018, date à laquelle, tout en déclarant leur résidence principale [en Belgique], [avait] fait déménager divers meubles de [Belgique] [en France], pour s’y installer eux-mêmes début juin 2018 » et « constaté que la villa, d’abord assurée en tant que résidence secondaire, était désormais assurée sans précision particulière et que le couple y avait entrepris divers travaux d’entretien et de réparation, en effectuant la quasi-totalité de ses dépenses courantes [dans la ville où ils avaient déménagé] ou dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, où il avait développé un réseau relationnel et amical » et « relevé encore que, depuis leur installation, [les époux] résidaient essentiellement [en France] et ne rentraient que pour de courts séjours [en Belgique], où ils avaient conservé des intérêts administratifs et financiers », « en a souverainement déduit que, à partir du mois de juin 2018, [les époux] avaient eu la volonté de fixer [en France] le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens du texte précité se trouvait en France ».

Elle en a déduit que la cour d’appel avait « ainsi légalement justifié sa décision déclarant le juge français compétent pour connaître de l’instance en divorce introduite par [l’épouse] ».

La Cour de cassation a ainsi fait sienne la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, tout en confirmant sa jurisprudence antérieure (v. Civ 1, 14 décembre 2005, n°05-10.951, B 506), la solution posée par la Cour de justice recoupant la solution posée antérieurement par la Haute juridiction française.

Avocat – droit de la consommation – contestation d’honoraires – pouvoir du premier président – clauses abusives

Civ 2ème, 27 octobre 2022, n°21-10.739, publié au bulletin

La Cour de cassation n’avait pas encore eu l’occasion d’affirmer la solution qu’elle vient de consacrer par cet arrêt.
Ainsi, par un arrêt destiné à la publication, elle a jugé qu’il entre dans les pouvoirs du Premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d’avocat, d’examiner le caractère abusif des clauses des conventions d’honoraires lorsque le client de l’avocat est un non-professionnel ou un consommateur.
La Cour de cassation s’est fondée sur une jurisprudence rendue par la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose (CJCE, 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).
Elle a en conséquence rejeté le moyen qui soutenait que le Premier président avait excédé ses pouvoirs et violé l’article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 en jugeant que les clauses de dédit insérées dans la convention d’honoraires devaient être réputées non écrites.
Dans un second temps, elle a approuvé le Premier président saisi d’avoir réputé non écrites lesdites clauses en application de l’article L 212-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives.
Elle a jugé que le Premier président avait légalement justifié sa décision en retenant que ces clauses avaient chacune, pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties au contrat, dès lors que, d’une part, l’avocat obtiendrait de sa cliente, le paiement de la totalité des honoraires ou leur quasi-totalité alors qu’il n’avait effectué que deux prestations sur les six qu’il s’était engagé à effectuer pour le montant forfaitaire fixé et que les deux montants du dédit apparaissaient disproportionnés avec les diligences réalisées, d’autre part, qu’il n’est nullement prévu, en cas de « dessaisissement » anticipé par l’avocat, une clause de dédit en faveur de la cliente.
Sur ce point, la solution de la Cour de cassation n’est pas nouvelle. La jurisprudence sanctionne de manière constante, sur le fondement des clauses abusives, celles conférant un pouvoir unilatéral au professionnel (Civ 1ère, 14 novembre 2006, B 489 ; Civ 2ème, 22 février 2007, B 41 ; Civ 1ère, 10 avril 2019, n°17-20.722).
Cette décision revêt une importance toute particulière pour les avocats, dans le cadre de la rédaction de leur convention d’honoraires.

Redressement et liquidation judiciaires – insuffisance d’actif – faute de gestion du dirigeant– lien de causalité- contrôle de la Cour de cassation

Com., 23 novembre 2022, n°21-18105

Bien que cette décision ne fasse pas l’objet d’une publication, elle revêt un intérêt juridique notable puisqu’elle rappelle le contrôle opéré par la Cour de cassation en matière d’action en insuffisance d’actif et, plus précisément, sur le lien de causalité entre chaque faute reprochée au dirigeant et le préjudice de la société constitué par l’insuffisance d’actif.

En l’occurrence, la cour avait condamné le dirigeant à verser au liquidateur judiciaire une certaine somme en retenant que le premier avait commis une faute de gestion en consentant un prêt de 1 900 000 euros à la société mère et que cette faute de gestion avait contribué pour la somme de 500 000 euros à l’insuffisance d’actif de la société en liquidation judiciaire.

Or la cour avait elle-même constaté que ce prêt avait été totalement remboursé un mois avant la déclaration de cessation des paiements et n’avait pas été directement à l’origine de l’insuffisance d’actif de la société en cause. Elle avait relevé que la distribution de dividendes par la fille à la mère l’avait été.

La Cour de cassation accueille le grief et reproche à la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé, par de tels motifs, le lien de causalité entre la faute de gestion retenue et l’insuffisance d’actif, faute pour elle d’expliquer en quoi la distribution des dividendes, qui lui aurait été consécutive, aurait contribué à l’insuffisance d’actif.

Ainsi, on le voit, la Cour de cassation opère un contrôle strict des motifs par lesquels les juges retiennent un lien de causalité.

Or, en l’occurrence, la faute qui était reprochée par le liquidateur judiciaire au dirigeant, au soutien de l’action, était tirée du prêt et non pas de celle de la distribution des dividendes ce qui justifie la censure des motifs des juges du fond.

Bail rural –action en répétition– sommes indûment versées- prescription

Civ.3ème, 23 novembre 2022, n°19-17177

Dans cette affaire, la troisième Chambre civile, après avoir rappelé que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et qu’aux termes de l’article L 411-74 alinéa 4 du code rural et de la pêche maritime, l’action en répétition exercée à l’encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d’exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d’effet du congé, a décidé qu’aucune disposition ne faisait échapper l’action en paiement des intérêts sur les sommes indûment versées, fondée sur ce texte, au délai de prescription extinctive de droit commun.

Elle réaffirme sa solution qu’elle avait déjà consacrée (Civ.3, 24 mai 2017, n°15-27302 et 16-13650, publié au bulletin ; 12 avril 2018, n°16-23751).

Ainsi, selon la Cour de cassation, la cour d’appel qui avait en l’occurrence retenu, pour condamner un bailleur à verser des intérêts, que la réception d’un paiement prohibé caractérisait la mauvaise foi de son bénéficiaire, en sorte que les intérêts étaient dus à compter de la date du paiement, a violé les articles 2224 du code civil ensemble L 411-74 alinéa 4 précité du code rural et de la pêche maritime.

Servitude – servitude non altius tollendi – existence – opposabilité – sanction – démolition

Civ.3ème, 23 novembre 2022, n° 22-14.719 et 22-14.720 (deux arrêts)

Les propriétaires des maisons individuelles situées dans le quartier de la campagne à Paris ne peuvent violer la servitude non altius tollendi prévue par les premiers actionnaires de la société La campagne à Paris, dans la délibération qu’ils avaient adoptée au moment de la création du
« lotissement » situé au cœur du 20ème arrondissement.

Dans ces affaires, la cour d’appel avait retenu l’existence de la servitude non altius tollendi ainsi que son opposabilité aux défendeurs et l’absence de prescription par non-usage pendant trente ans avant d’ordonner la démolition qui s’imposait en tant que sanction d’un droit réel transgressé.

La Cour de cassation a d’abord souligné le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond de l’existence de la servitude eu égard aux termes du cahier des charges.

Ainsi, la cour d’appel avait retenu que par sa délibération du 21 décembre 1924, l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société La campagne à Paris avait décidé d’établir la servitude litigieuse et après avoir énoncé, ensuite, que l’imprécision des termes du procès-verbal de cette assemblée générale, seul titre constitutif retenu de la servitude, relativement à la surélévation proscrite, lui imposait de rechercher quelle avait été l’intention commune des actionnaires, elle a souverainement retenu, par une interprétation des stipulations du cahier des charges et du procès-verbal de l’assemblée générale du 17 mai 1908 l’ayant adopté, que l’interdiction de surélever les maisons, qui se référait à un niveau d’étage d’origine des constructions, devait s’entendre comme proscrivant tout exhaussement de la panne fai^tière des maisons.

En deuxième lieu, la Cour de cassation a rappelé le pouvoir souverain des juges du fond pour apprécier si l’ensemble des colotis avait ou non fait usage de la servitude pendant trente ans. En effet, seul le non-usage de la servitude pendant trente ans, par l’ensemble des colotis caractérisait l’extinction de la servitude.

Ainsi, en l’occurrence, la cour d’appel avait retenu, au terme d’une analyse des travaux de surélévation invoqués par les demandeurs pour revendiquer l’extinction de la servitude par non-usage, que ceux-ci avaient exclusivement consisté en des rehaussements de combles autorisés par le cahier des charges et donc non contraires à la servitude litigieuse, ce dont elle avait souverainement déduit, soulignant l’absence de justificatifs complémentaires utiles produits devant elle, qu’il n’était pas démontré que la totalité des colotis n’avaient pas fait usage de la servitude non altius tollendi pendant trente ans.

Enfin, la Cour de cassation a montré qu’elle exerçait un contrôle des motifs par lesquels les juges du fond opèrent leur contrôle de proportionnalité dans le choix de la sanction de démolition, en cas de violation de la servitude non altius tollendi, au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Ainsi, selon la Cour de cassation, après avoir relevé en l’espèce que les travaux de création d’un second étage avaient occasionné un exhaussement de la panne fai^tière, faisant ainsi ressortir l’existence d’une méconnaissance de la servitude, puis constaté que la maison en cause disposait avant ces travaux de trois chambres, ce dont elle a déduit que la sanction décidée ne rendait pas le logement incompatible avec la composition familiale des demandeurs, la cour d’appel avait pu, procédant comme il lui incombait à un contrôle concret de proportionnalité entre la démolition ordonnée et la gravité du droit réel transgressé, retenir que cette sanction ne présentait pas un caractère disproportionné, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Droit Social

Salaires – rappel salaires – bulletin rectificatif – refus employeur injustifié – droit à la retraite- calcul impossible – perte de chance

Soc. 9 novembre 2022, n° 20-21.856

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, rappelée dans cette affaire, il résulte de l’article L. 3243-2 du code du travail que lorsque l’employeur est condamné au versement d’un rappel de salaire du sur plusieurs mois, ce rappel peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement, pourvu qu’il comporte les mentions prescrites par les articles R. 3243-1 et suivants et qu’il indique à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l’objet d’un versement unique.

Dès lors, décide la Chambre sociale, en l’occurrence, la cour d’appel qui, après avoir constaté qu’une précédente décision avait ordonné à la société de régulariser la situation de la salariée auprès de l’organisme de retraite des cadres et de lui remettre des bulletins de paie conformes, a relevé que l’intéressée justifiait que la délivrance à l’occasion de chacun des versements effectués pour régulariser la situation, de deux bulletins de salaire qui cumulaient le montant des salaires dus sur plusieurs années, l’avait empe^chée de faire valoir l’intégralité de ses droits auprès de l’organisme de retraite concerné, en a déduit qu’en raison du refus de la société de lui délivrer les éléments permettant un calcul exact de ses droits à la retraite, la salariée avait ainsi subi une perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète et en a souverainement apprécié l’étendue.
Soc., 7 décembre 2022, nos 21-14.920 et 21-14.921

Dans ces arrêts, la Chambre sociale opère un contrôle dit léger des motifs par lesquels les juges du fond décident de l’existence du transfert de contrats de travail en application de l’article L 1224-1 du code du travail.

Dans cette affaire, une cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, avait constaté, toujours dans l’exercice de son pouvoir souverain, qu’après la reprise des deux pelleteuses au maniement desquelles étaient affectés les deux salariés d’une première société, qui était un sous-traitant d’une seconde, et alors qu’avait été envisagée entre les deux sociétés une cession partielle d’actifs avec poursuite du contrat de travail des deux conducteurs affectés à l’activité de terrassement, en application de l’article L.1224-1 du code du travail, cession qui n’avait toutefois pas été signée, la seconde société avait continué à employer les deux conducteurs de ces pelles articulées sur les me^mes chantiers et sous son autorité, en leur délivrant des bulletins de paie et en les rémunérant et que ce n’était qu’après la reprise des contrats de travail qu’elle avait remis en cause les termes de l’accord envisagé avec l’ancien employeur.

La Cour de cassation, opérant un contrôle dit léger des motifs précités de la cour d’appel, a approuvé cette dernière d’en avoir déduit que la seconde société avait ainsi fait volontairement application de l’article L 1224-1 du code du travail, en poursuivant avec ces salariés, pour son propre compte, l’exploitation de ces pelleteuses et l’activité de terrassement auparavant exercée par la société, ancien employeur.

Procédure Civile

Intérêt à agir – syndicat de commerçants – action en désignation d’un huissier de justice – assemblée générale aux fins de déposer une liste aux élections du conseil d’administration – appréciation de l’intérêt à agir

Soc., 9 novembre 2022, n°21-16856
Après avoir rappelé les dispositions des articles 31 et 32 du code de procédure civile relatifs à l’intérêt à agir dont l’existence subordonne la recevabilité des actions, la Cour de cassation a jugé classiquement qu’il résulte de ces textes que, si l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l’action, le demandeur à l’action doit justifier d’un intérêt né et actuel au moment de l’introduction de l’action en justice.

Précisément dans cette affaire soumise à la Cour de cassation, l’auteur du pourvoi reprochait aux juges du fond, pour dire qu’il était privé d’intérêt à agir et le déclarer irrecevable, qu’ils avaient subordonné la preuve de son intérêt à la démonstration préalable du bienfondé de l’action.

En l’occurrence, l’auteur du recours se prévalait de sa qualité de membre du syndicat pour solliciter la désignation d’un huissier de justice avec mission d’assister à une assemblée générale du syndicat au cours de laquelle il entendait déposer une liste aux élections du conseil d’administration.

Les juges du fond s’étaient fondés sur la circonstance que l’intéressé avait fait l’objet d’une mesure d’exclusion qui, bien que contestée, n’était pas annulée et sur les statuts du syndicat qui prévoyaient que seul un adhérent du syndicat pouvait se présenter aux fonctions d’administration.

La Cour de cassation a approuvé ce raisonnement et rejeté le grief qui prétendait que les juges du fond avaient exigé de l’intéressé qu’il justifie du bienfondé de la contestation de sa mesure d’exclusion.

Elle a ainsi décidé que ces derniers s’étaient contentés d’apprécier la condition relative à l’intérêt à agir sans apprécier le fond.

On peut observer que bien que la jurisprudence rappelle de manière constante que l’intérêt à agir est souverainement apprécié par les juges du fond, il n’en reste pas moins que la Cour de cassation opère un certain contrôle en la matière.

Droit Public

Urbanisme – construction en surplomb du domaine public – accord du gestionnaire du domaine public

CE, 23 novembre 2022, req. n° 450.008, mentionné aux tables du recueil Lebon

Sur le fondement des dispositions de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme, Conseil d’Etat a considéré que lorsque le projet comprend des éléments en surplomb du domaine public, le dossier de demande de permis doit comporter une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire de ce domaine.

Le Conseil d’Etat juge que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance que les balcons en surplomb du domaine public prévus par le projet n’avaient pas pour effet de compromettre l’affectation au public du trottoir qu’ils surplombent et n’excédaient pas, compte tenu du débord et de l’élévation par rapport au sol, le droit d’usage appartenant à tous.

Le juge de cassation considère toutefois qu’en l’espèce, le tribunal avait relevé que le pétitionnaire avait sollicité l’accord du maire pour engager la procédure d’autorisation et que l’arrêté de permis de construire modificatif visait l’autorisation accordée par l’administration en réponse à cette demande.

De sorte que l’erreur de droit relevée était demeurée sans incidence sur le bien-fondé du rejet du moyen par le tribunal administratif.

CE, 9 décembre 2022, req. n° 461.901, mentionné aux tables du recueil Lebon

Le Conseil d’Etat précise tout d’abord que le litige portant sur la légalité du refus du maire de prendre acte de la démission d’une conseillère municipale et de son remplacement relève du contentieux électoral et non de l’excès de pouvoir, ce qui a une incidence sur le délai de recours et la motivation des requêtes.

Par ailleurs, aux termes de l’article R. 119 du code électoral, le délai de recours ouvert contre le refus du maire de désigner, à la suite de la démission d’un conseiller municipal dont le siège est ainsi devenu vacant, le candidat qui doit lui succéder, court à compter soit de la notification de la réponse du maire ou d’une autre forme de publicité donnée à cette réponse, soit de la publication d’un nouveau tableau des membres du conseil municipal postérieurement à la demande de désignation d’un nouveau conseiller municipal, soit d’une réunion de ce conseil avec le maintien du conseiller ayant présenté sa démission.

Au visa de ces dispositions, le Conseil d’Etat juge que le fait qu’une conseillère municipale ait saisi le maire de la commune d’une demande de remplacement de la conseillère municipale démissionnaire n’avait pas fait courir le délai de contestation électoral à son encontre.

Ainsi, la circonstance que l’envoi du courrier devait la faire regarder comme ayant eu connaissance de la démission de la conseillère était inopérante.

Le Conseil d’Etat rappelle enfin que la démission définitive d’un conseiller municipal rédigée dans des termes non équivoques devient définitive dès sa réception par le maire.

Droit Fiscal

Outre-Mer – Polynésie française – Loi du Pays – Mesures fiscales – Principe d’égalité

CE, 9 novembre 2022, req. n° 464.809, mentionné aux tables du recueil Lebon
Le litige portait sur les dispositions D et F de l’article LP. 1er et l’article LP. 3 de la loi du Pays qui insérait dans la loi du Pays n° 2018-25 du 25 juillet 2018 portant règlementation générale des droits d’enregistrement et des droits de publicité foncières des droits majorés de 1 000 % ou de 2 000 % lorsque l’acquéreur ne satisfaisait pas à des conditions liées à l’ancienneté de résidence en Polynésie française.
Le Conseil d’Etat a tout d’abord considéré que le principe constitutionnel d’égalité avait été méconnu.
Admettant que la loi du pays avait entendu remédier aux difficultés que les personnes résidant en Polynésie française rencontraient dans l’accès à la propriété immobilière du fait de la rareté du foncier, de la hausse des prix et de la spéculation imputée aux investissements réalisés par des personnes résidentes, il a estimé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que les investissements réalisés par des personnes non résidentes ou ayant une durée de résidence de moins de dix ans seraient à l’origine des difficultés invoquées.
Le Conseil d’Etat a ensuite considéré qu’aucune mesure de nature fiscale ne pouvait être prise sur le fondement de l’article 74 de la Constitution et de l’article 19 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

Ainsi, la Polynésie française ne pouvait légalement prendre, en faveur de personnes justifiant d’une certaine durée de résidence, des mesures de nature fiscale qui auraient été justifiées par les nécessités locales en matière de protection du patrimoine foncier.

Responsabilité solidaire du dirigeant – article L. 267 du livre des procédures fiscales – exception d’irrégularité de la procédure de rectification menée à l’égard de la société – en l’absence de difficulté sérieuse, pas de nécessité de question préjudicielle

Com., 9 novembre 2022, n° 20-20.243

La Chambre commerciale rappelle dans cet arrêt que le dirigeant poursuivi par l’administration fiscale sur le fondement de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales en vue d’être déclaré solidairement responsable des dettes fiscales de la société peut utilement exciper de l’irrégularité de la procédure de rectification menée à l’égard de la société.

Et en l’absence de difficulté sérieuse, le juge judiciaire peut trancher ce point sans avoir à poser de question préjudicielle à la juridiction administrative.

En l’espèce, la Cour de cassation, pour rejeter la pourvoi de l’administration, a estimé qu’une cour d’appel avait pu statuer en ce sens, pour faire échec aux prétentions de l’administration, en retenant un vice dans la procédure de rectification de la société, faute pour l’administration d’avoir adressé la proposition à une adresse où le gérant pouvait la recevoir, puis en considérant que ce vice ne posait pas de difficulté sérieuse, ce dont il s’évinçait que le dirigeant ne pouvait être poursuivi personnellement.

Peu importait que, par la suite, et dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L. 267, le dirigeant ait disposé des éléments relatifs à la procédure de rectification de la société, ce qui ne pouvait purger le vice propre à la procédure visant cette dernière dont le dirigeant pouvait se prévaloir.

Droit Pénal et Procédure Pénale

Peine d’emprisonnement ferme inférieure à six mois – aménagement de peine – motivation
Confiscation – proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété – bien ayant servi à commettre l’infraction

Crim., 8 novembre 2022, n°21-86.096
Par cet arrêt, la Cour de cassation a rappelé deux principes.
D’abord, au visa des articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020, et 593 du code de procédure pénale
, elle a rappelé que la juridiction qui prononce une peine inférieure ou égale à six mois d’emprisonnement ferme doit ordonner, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, l’aménagement de la totalité de la peine et que la juridiction de jugement qui prononce une peine d’emprisonnement ferme supérieure à un mois et inférieure ou égale à six mois doit, soit ordonner son aménagement en déterminant la mesure adaptée, soit, si elle ne dispose pas d’éléments lui permettant de déterminer celle-ci, ordonner la convocation du condamné devant le juge de l’application des peines.

Elle a encore affirmé que si la peine d’emprisonnement prononcée est inférieure ou égale à six mois, l’aménagement de la peine est obligatoire et que ce n’est qu’en cas d’impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné que la juridiction de jugement peut écarter l’aménagement de la peine, ce qui doit faire l’objet d’une motivation spéciale, précise et circonstanciée, au regard des faits de l’espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

En conséquence, elle a cassé l’arrêt de la cour d’appel qui, pour prononcer à l’encontre d’un prévenu une peine d’emprisonnement dont la partie ferme était de cinq mois, n’a pas même évoqué l’éventualité de l’aménagement de cette dernière.

Ensuite, au visa des articles 132-1 et 131-21 du code pénal, 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et 593 du code de procédure pénale, elle a rappelé que le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur et qu’hormis le cas ou` la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l’objet de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine.

Elle en a tiré la conséquence qu’il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

C’est ainsi qu’elle a censuré l’arrêt de la cour d’appel qui, pour ordonner la confiscation, à titre de peine complémentaire d’un bien du prévenu, avait énoncé l’âge du prévenu, sa situation matrimoniale et familiale, le travail qu’il occupait et le salaire perçu ainsi que son casier judiciaire, ainsi que la réitération des faits et du danger présentant son comportement résultant d’une conduite d’un véhicule en état d’ivresse, de sorte qu’il y avait lieu d’ordonner la confiscation de ce dernier, qualifié d’objet de l’infraction.

La Cour de cassation a retenu qu’en se déterminant ainsi, sans s’expliquer davantage sur la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété par la mesure de confiscation ordonnée qui ne concernait pas l’objet de l’infraction mais le bien ayant servi à commettre cette dernière, la cassation de l’arrêt devait être prononcée.

Confiscation des biens placés sous scellés – cour d’assises – cassation partielle

Crim., 14 décembre 2022, n°21-87221

Au visa des articles 131-21 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale, la cour d’appel a rappelé d’une part que la confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et porte sur tous les biens ayant servi à le commettre, ainsi que sur ceux qui en sont l’objet, ou le produit direct ou indirect et que la motivation consiste, en cas de condamnation, dans l’énoncé des principaux éléments ayant convaincu la cour d’assises dans le choix de la peine, la motivation de la peine de la confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction n’étant pas nécessaire.

Elle a encore rappelé qu’il résulte de ces textes que si la cour d’assises n’a pas à préciser les raisons qui la conduisent à ordonner la confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction, elle doit néanmoins énumérer les objets dont elle ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d’eux, s’ils constituent l’instrument, le produit ou l’objet de l’infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s’assurer de la légalité de sa décision.

Ainsi, elle a censuré l’arrêt de la cour d’assises d’appel qui, après avoir déclaré l’accusé coupable et l’avoir condamné à une peine de réclusion, a ordonné la confiscation des scellés qui ont servi ou sont l’objet de l’infraction, sans indiquer la nature et l’origine des objets placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, ni le fondement de cette mesure, ne mettant pas la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision.