Newsletter trimestrielle n°16

Cette première newsletter de l’année 2022 est avant tout l’occasion pour toute l’équipe du cabinet Buk Lament-Robillot de vous présenter ses meilleurs vœux de santé, de bonheur et de réussite dans tout domaine.

A l’issue du dernier trimestre de l’année écoulée et des tout premiers jours de la nouvelle, le cabinet vient présenter de nombreuses décisions importantes rendues dans des affaires qu’il a traitées devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

Cette newsletter commente de manière synthétique des arrêts qui, toutes matières confondues, auront justifié une publication au Recueil Lebon ou au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ou présentent un intérêt juridique et pratique.

Droit civil

Responsabilité civile –fédération sportive–– décisions du directeur technique national–action en responsabilité à raison de ces décisions– responsabilité de la fédération seule

2èmeCiv., 14 octobre 2021, n° 20-12.260

Cette première affaire posait la question de savoir si les décisions prises par le directeur technique national (DTN), qui est un conseiller technique sportif dirigeant et animant la direction technique nationale de la fédération à laquelle il est rattaché, engageaient sa responsabilité personnelle ou la responsabilité de la fédération.

La cour d’appel avait, en effet, rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par l’ancien directeur technique de ligue au motif que ce dernier avait agi en responsabilité contre la fédération sportive et non directement contre le directeur technique national qui avait pris la décision de non-renouvellement de ses fonctions à l’origine de ses préjudices.

Le moyen soulevé à l’encontre de l’arrêt d’appel soulignait que les décisions du directeur technique national étaient prises au nom de la fédération sportive qu’il représentait et étaient, dès lors, susceptibles d’engager la responsabilité de cette dernière. Dès lors, le moyen soutenait que la cour d’appel avait violé les articles L. 131-12 et l’article R. 131-16 du code du sport, dans leur rédaction applicable au litige, en retenant que la décision de non-renouvellement que l’ancien directeur technique de ligue critiquait ne pouvait en aucun cas être reprochée à la fédération, dès lors que cette décision était du seul fait du directeur technique national, investi du pouvoir de renouvellement de ses fonctions de directeur technique de ligue, et que ce dernier n’était pas dans la cause.

La Cour de cassation a accueilli le moyen en jugeant que les missions des conseillers techniques sportifs recrutés et rémunérés par le ministre chargé des sports et mis à disposition des fédérations sportives, telle que celle de directeur technique national, s’exerçaient sous la responsabilité et la direction de celles-ci.

Elle a dès lors censuré la cour d’appel qui avait rejeté la demande de dommages et intérêts de l’ancien directeur technique de ligue dirigée contre la fédération au motif que le directeur technique national n’était pas dans la cause.

Régime matrimonial –communauté –recel –éléments constitutifs –élémentsmatériel et intentionnel

1ère Civ., 15 décembre 2021, n° 20-15.693

Dans ce deuxième arrêt, la Cour de cassation rappelle l’importance de caractériser l’élément matériel et l’élément intentionnel, constitutifs du recel de communauté.

En effet, le recel des effets de la communauté n’existe qu’autant que des éléments de l’actif ont été divertis ou dissimulés pour les soustraire au partage par l’emploi d’un procédé tendant à frustrer frauduleusement l’un des époux de sa part de communauté (1ère Civ., 22 octobre 2008, n° 07-11433).

Ainsi il ne suffit pas de constater un acte d’appropriation d’un effet de la communauté par l’un des époux.

Mais encore faut-il caractériser l’intention de l’époux de porter atteinte à l’égalité du partage.

Or en l’espèce, la cour d’appel, pour déclarer l’époux coupable de recel de communauté et le condamner à payer à son épouse diverses sommes, avait relevé, d’abord, que celle-ci rapportait la preuve de ce que, alors que la valeur du portefeuille de titres au sein de la Compagnie financière et européenne de gestion (CFEG), était de 510 826,11 francs au 28 juin 1991, l’époux avait cédé des FCP et des SICAV pour 407 684,11 francs le 24 juillet 1991, de telle sorte que le solde s’élevait alors à la somme de 103 142 francs, et de ce que, au 24 juillet 1992, le compte était débiteur à hauteur de 47 081,19 francs.

La cour d’appel a ensuite constaté qu’en l’absence d’explication donnée par l’époux quant au devenir du prix de vente des FCP et des SICAV, qui constituaient des biens de communauté et avait retenu, enfin, que sur la période considérée, il n’existait plus de collaboration entre les époux et de gestion commune.

La Cour de cassation a cependant cassé cet arrêt au visa de l’article 1477 du code civil.

Elle a jugé qu’en se déterminant ainsi, sans relever, comme il lui incombait, la volonté de l’époux de rompre à son profit l’égalité du partage, la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision.

Divorce – Prestation compensatoire – Révision – Conditions – Appréciation – Effets – Point de départ

Civ. 1ère, 15 décembre 2021, n°20-18.058

Dans cet arrêt, la première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle, dans un premier temps, que si une prestation compensatoire fixée sous la forme d’une rente viagère, avant l’entrée en vigueur de la loi n°200-596 du 30 juin 2000, peut être révisée lorsque le maintien de son versement procure au crédirentier un avantage manifestement excessif, au regard notamment de la durée du versement de la rente et du montant déjà versé, le juge doit, dans cette appréciation, prendre notamment en compte le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu.

Elle censure en conséquence une cour d’appel qui, pour rejeter une demande en suppression de rente, s’était bornée à retenir, au titre des charges du demandeur, les taxes foncière et d’habitation pour le logement dont ce dernier était propriétaire ainsi que les charges habituelles de la vie courante, sans tenir compte du montant de l’impôt sur le revenu qu’il supportait.

La Haute juridiction rappelle ainsi que les juges du fond doivent prendre en compte l’intégralité des charges supportées par chacune des parties sans en négliger aucune.

Dans un second temps, la première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la suppression de la prestation compensatoire fixée sous la forme d’une rente viagère avant l’entrée en vigueur de la loi n°200-596 du 30 juin 2000, lorsque le maintien de son versement procurerait au créancier un avantage manifestement excessif, au regard des critères de l’article 276 du code civil, prend effet à la date de la demande. La solution s’applique de la même façon en cas de simple révision.

Il s’agit là d’une solution constante (v. par ex : Civ. 1ère, 19 avril 2005, B. 194 ; 19 juin 2007, B. 243 ; 28 mai 2015, n°14-17.044 ; 22 mars 2017, n°16-13.152) qui méritait néanmoins d’être rappelée.

Prescription – Point de départ – Action en responsabilité contre le notaire en cas de nullité de l’acte instrumenté – Date de la manifestation du dommage

Civ. 1ère, 20 octobre 2021, n°19-19.409

Dans cet arrêt, la première Chambre civile de la Cour de cassation précise le point de départ de l’action en responsabilité engagée contre le notaire dans l’hypothèse où l’acte qu’il a instrumenté est annulé.

Elle censure une cour d’appel qui avait fait courir le délai d’une telle action à compter de la date de la demande en nullité de l’acte.

Elle rappelle qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, « les actions personnelle ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » et juge que le dommage subi par la partie qui voit le contrat qu’elle avait conclu annulé ne se manifeste qu’à compter de la décision passée en force de chose jugée prononçant la nullité des actes, de sorte que le délai de prescription de l’action en responsabilité exercée contre le notaire commence à courir à compter de cette date.

Cet arrêt confirme une solution déjà posée dans plusieurs arrêts et notamment dans un arrêt de la première Chambre civile en date du 9 septembre 2020 publié au bulletin (v. par ex : Com., 15 novembre 2005, n°04-16.628 ; Civ. 1ère, 4 juillet 2019, n°18-16.138 ; 9 septembre 2020, n°18-26.390, publié). Il est néanmoins le bienvenu, dans la mesure où la jurisprudence a pu paraître hésitante sur cette question et retenir des solutions divergentes par le passé (v. par ex : (v. par ex : Civ. 1ère, 23 juin 2011, n°10-20.189 ; 5 avril 2012, n°11-10.967 ; 3ème, 14 octobre 2014, n°13-19.837).

Propriété immobilière–empiètement terrain d’autrui–– connaissance de l’empiètementpar l’acheteur du terrain avant la vente– circonstance inopérante

3èmeCiv., 17 novembre 2021, n°17-26026

Ce litige portait sur un talus empiétant sur la propriété de l’auteur du pourvoi.

Il ressortait des motifs de l’arrêt attaqué que le talus litigieux était constitué par le déblai de la parcelle appartenant aux voisins de l’auteur du pourvoi mais était entièrement situé la parcelle appartenant à ce dernier. Il résultait également de l’arrêt que ce talus résultait de travaux de terrassement effectué avant que l’auteur du pourvoi n’achète sa parcelle.

La cour d’appel a exclu l’existence d’un empiètement.

Elle a en effet énoncé que le talus séparatif n’empiétait pas sur la parcelle de l’auteur du pourvoi dès lors qu’il faisait partie de la propriété acquise par ce dernier en toute connaissance de cause.

Or si le talus situé sur la propriété de l’exposant résultait des travaux de décaissement effectués sur la parcelle de ses voisins et était composé de la terre déblayée sur leur terrain, la cour devait en déduire qu’il constituait un empiètement, peu important que l’auteur du pourvoi ait eu connaissance de l’existence de ce talus lors de l’acquisition de sa parcelle.

La Cour de cassation, accueillant le moyen, a tout d’abord rappelé que, conformément à l’article 545 du code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Elle a ensuite censuré la cour d’appel en jugeant que peu importait la connaissance de l’empiétement par l’acheteur au moment de l’acquisition de l’immeuble et qu’en statuant comme elle l’avait fait, la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations relatives à l’empiétement originel et avait violé l’article 545 du code civil.

Bail rural – notification au bailleur cessation activité du copreneur – défaut –conséquence –résiliation de plein droit

3ème Civ., 3 novembre 2021, n°20–10.393

Dans cette affaire, la Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si le défaut de notification au bailleur de la cessation d’activité de l’un des copreneurs en qualité de copreneur constituait une infraction aux dispositions de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime de nature à justifier une résiliation de plein droit du bail.

Elle a rappelé que selon l’article L. 411-31, II, 1 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie de toute contravention aux dispositions de l’article L. 411-35 du code précité.

Et que selon l’article L. 411-35, lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, que le bail se poursuive à son seul nom.

Et encore que l’article 4-V-B de la loi n 2014-1170 du 13 octobre 2014 précise que ce dispositif, issu de la loi du 13 octobre 2014, s’applique aux baux en cours et que, si l’un des copreneurs a cessé de participer à l’exploitation avant la date de la publication de cette loi, le délai de trois mois mentionné au troisième alinéa de l’article L. 411-35 commence à courir à compter de cette date.

Elle a ensuite jugé que la cour d’appel, en retenant que le défaut de notification de la cessation d’activité ne constituait pas une infraction aux dispositions de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime de nature à permettre la résiliation de plein droit du bail, tout en constatant un défaut d’information du bailleur constituant une contravention aux dispositions impératives de l’article L. 411-35 du code précité, a violé les articles L. 411-31, II, 1 , et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, et l’article 4-V-B de la loi n 2014-1170 du 13 octobre 2014.

La Cour de cassation, dans cet arrêt, a fait une application littérale des dispositions des articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural.

En effet, l’article L. 431-1, II, I vise « toute contravention aux dispositions de l’article L. 411-35 » sans faire de distinction entre les différentes obligations visées à l’article L. 411-35.

L’arrêt en date du 3 novembre 2021 vient confirmer un arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 mars 2021 (n°20-14141).

A propos de l’arrêt précité, un auteur avait fait valoir que la solution adoptée par la Cour de cassation « répond aux exigences de l’exégèse : comme l’obligation d’information est prévue par l’article L. 411-35, il n’est pas choquant de considérer sa violation comme une « contravention aux dispositions » dudit article avec, pour sanction, effectivement, une résiliation automatique ».
Il ajoutait que sur le fond, il n’était pas non plus artificiel de regarder le départ d’un copreneur comme une cession de sa « part de bail » à l’autre.
Il soulignait en dernier lieu que la solution retenue était cohérente avec la toute récente évolution de la jurisprudence selon laquelle la cessation d’activité d’un copreneur dans le cadre de la société à laquelle le bien loué a été mis à disposition doit être sanctionnée à l’instar d’une cession de bail à cette société, par la résiliation de plein droit (Civ. 3ème, 21 janvier 2021, n°19-24520) (S. Crevel, « Savoir partir pour mieux rester », Droit rural n° 494, Juin 2021, comm. 167, LexisNexis).

Bail d’habitation – Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 – Bail tacitement reconduit – Durée – Détermination – Bail verbal – Portée

3ème Civ., 17 novembre 2021, n° 20-19.450, Publié au bulletin

Il résulte de l’article 10, alinéas 1 à 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 que le bail verbal portant sur un logement à usage d’habitation principale conclu par des bailleurs personnes physiques, en société civile immobilière (SCI) familiale ou en indivision, l’est pour une durée au moins égale à trois ans, et qu’en absence de congé valablement donné par les bailleurs, ce contrat parvenu à son terme est reconduit tacitement par périodes triennales.

Dès lors, viole ce texte une cour d’appel qui énonce que la reconduction tacite d’un bail verbal ne peut être supposée.

Il incombe en effet au bailleur d’apporter les éléments de nature à caractériser la rupture du bail

Droit Commercial

Dessins et modèles – Protection – Contrefaçon – Appréciation – Dénaturation

Com., 1er décembre 2021, n°19-14.490

Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle tout d’abord que le principe selon lequel le juge est tenu de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis peut s’appliquer à un objet tridimensionnel ou à sa représentation et censure en l’espèce une cour d’appel qui, pour juger établie l’existence d’une contrefaçon, a dénaturé la forme d’un tampon prétendument contrefaisant.

La solution mérite d’être saluée. La notion d’écrit ne saurait être entendu au sens strict, au risque de limiter artificiellement le contrôle de la Cour de cassation de la dénaturation. La Haute juridiction ne craint pas de censurer de la même manière les juges du fond qui dénatureraient par exemple le dessin clair et précis d’un plan (v. par ex : Civ. 3ème, 2 mars 2017, n°16-11.765).

La Cour de cassation rappelle ensuite la méthodologie que le juge doit suivre pour apprécier l’existence d’une contrefaçon d’un dessin ou modèle. Elle censure ainsi une cour d’appel qui a comparé à cette fin les modèles commercialisés par le défendeur à ceux commercialisés par le demandeur qui se prévalait d’un droit sur ledit modèle, et non aux modèles tels qu’enregistrés par le demandeur. Elle énonce, dans ce cadre, que « la contrefaçon d’un modèle s’apprécie au regard des caractéristiques protégées telle que déterminées par les seules reproductions graphiques ou photographiques contenues dans le certificat d’enregistrement ». Elle décline ce principe en droit interne comme en droit communautaire.

La solution est incontestable. La protection conférée par l’enregistrement d’un dessin ou d’un modèle est attribuée au dessin ou modèle, tel qu’il figure dans l’enregistrement. Peu importe ensuite comment ce modèle est commercialisé par le titulaire de l’enregistrement.


Crédit-bail–caution–préjudice–perte de chance–moyen dans les débats

Com. 24 novembre 2021, n° 20-15.039

Dans cette affaire, une cour d’appel avait limité le montant des dommages et intérêts que le crédit bailleurdevait verser à la caution en analysant le préjudice subi par cette dernière comme une simple perte de chance.

La caution affirmait, dans le cadre de son pourvoi, qu’aucune des parties au litige ne soutenait que le préjudice subi par la caution consistait en une simple perte de chance, de sorte que la cour d’appel avait violé le principe de la contradiction en relevant d’office le moyen tiré de l’existence d’un tel préjudice.

Contre toute attente, la Cour de cassation a rejeté le moyen.

Elle a jugé que procédant souverainement, au vu des éléments de fait qui étaient dans les débats, à l’évaluation du préjudice de la caution résultant, selon lui, de l’attitude attentiste du crédit-bailleur dans la mise en vente de l’aéronef à un prix nettement inférieur à ceux proposés par des acquéreurs potentiels, quatre ans après la transmission par la caution au crédit-bailleur de propositions d’achat, la cour d’appel avait retenu, sans méconnaître le principe de la contradiction, que ce préjudice, résultant de la perte de chance pour la caution de ne pas être appelée en garantie ou pour un montant moindre, devait être évalué à la moitié de l’engagement qui lui est réclamé, soit la somme de 195 000 euros.

Cet arrêt marque-t-il un assouplissement de la jurisprudence de la Cour de cassation ?

Certainement car cette dernière censure, en principe, de façon constante les juges du fond qui relèvent d’office le moyen tiré de ce que le préjudice subi par la victime doit s’analyser en une perte de chance (1èreCiv., 25 mars 2020, n° 19-10728 ; 2èmeCiv., 25 juin 2020, n° 18-24402).

Procédure Civile

Appel – Procédure avec représentation obligatoire – Déclarations d’appels successives – Régularité – Appréciation

Com., 15 décembre 2021, n°19-16.530

Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article 546 du code de procédure civile, que « lorsque la cour d’appel est régulièrement saisie par une première déclaration d’appel dont la caducité n’a pas été constatée, est irrecevable le second appel, faute d’intérêt pour son auteur à interjeter appel contre le même jugement entre les mêmes parties ».

Elle réitère ainsi le principe posé par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt publié en date du 11 mai 2017 (Civ. 2ème, 11 mai 2017, n°16-18.464, publié), constamment réaffirmé depuis.

Il convient de souligner que cette solution a été énoncée s’agissant d’appels formés avant le 1er septembre 2017. Elle avait alors pour effet d’interdire à l’appelant qui n’avait pas respecté les délais de procédure impartis par l’article 908 du code de procédure civile pour déposer ses conclusions d’appel de former un nouvel appel, si la caducité du premier appel n’avait pas encore été constatée, et ce, même si le délai d’appel n’était pas expiré.

La réforme de la procédure d’appel résultant du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicable aux appelés formés après le 1er septembre 2017, va plus loin.

L’alinéa 3 de l’article 911-1 du code de procédure civile dispose désormais que « la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie ».

Peu importe désormais si l’appel réitéré intervient alors que le premier appel a ou non été déclaré caduc. Toute réitération d’un appel caduc est prohibée.


Cassation – Cassation sans renvoi – Décision au fond dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice

Civ. 3ème, 5 janvier 2022, n°20-20.372

Dans cet arrêt, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation fait une application assez originale de la faculté conférée à la Cour de cassation de statuer au fond d’un litige dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, après avoir cassé un arrêt d’appel, telle que prévue par l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire, dans sa version entrée en vigueur le 20 novembre 2016.

En l’occurrence, elle avait cassé un arrêt d’appel qui avait rejeté une demande indemnitaire formée par un maître de l’ouvrage contre la société d’architecture à laquelle il avait fait appel et contre son gérant au titre des frais qu’il avait engagés en vue d’obtenir un permis modificatif. La cour d’appel s’était notamment fondée sur le fait que ces frais avaient été réglés après la résiliation du contrat de maîtrise d’œuvre d’exécution et que le maître d’œuvre d’exécution n’était pas responsable du rejet de la demande de permis de construire, tout en retenant que la société d’architecture et son gérant avaient été responsables de la démolition des murs édifiés sans autorisation administrative et de l’interruption subséquente du chantier et devaient en conséquence supporter la charge des honoraires et travaux rendus nécessaires pour pouvoir obtenir un nouveau permis de construire.

La Cour de cassation l’a en conséquence censurée pour ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations.

Et au lieu de renvoyer l’affaire devant une cour d’appel de renvoi pour apprécier cette demande indemnitaire, elle a elle-même condamné les défendeurs à régler les frais exposés en vue d’obtenir le permis modificatif. Autrement dit, elle a elle-même tiré les conséquences des constatations de la cour d’appel, sans procéder elle-même à leur appréciation.


Compétence–Convention de Lugano–juridictions Etat membre –domicile du défendeur –consommateur –contrat location coffre-fort –activité banque

1ère Civ., 15 décembre 2021, n°19-23.666

La question posée dans cette affaire était inédite.

En effet, la Cour de cassation ne s’était jamais prononcée sur les conditions d’application des articles 15 et 16 de la Convention de Lugano.

Pour rappel, l’article 2 de la Convention de Lugano attribue une compétence de principe à la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié.

Il est toutefois dérogé à cette compétence de principe lorsque l’une des parties au litige est un consommateur.

La Cour de cassation rappelle ainsi, dans cet arrêt, qu’il résulte de la combinaison des articles 15 §1 et 16 §1 de la Convention de Lugano que le consommateur, qui conclut un contrat pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, peut porter devant le tribunal de son domicile l’action dirigée contre son co-contractant lorsque celui-ci exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État lié par la présente convention sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État ou vers plusieurs États, dont cet État, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.

Aussi, se posait ici la question de savoir si une banque suisse avait dirigé ses activités sur le territoire français, justifiant qu’un consommateur ait agi en responsabilité à son encontre devant le tribunal de grande instance de Paris.

Le consommateur sollicitait, en effet, la réparation du préjudice subi du fait de la disparition d’objets de valeurs dans un coffre-fort loué au sein d’une banque suisse.

La cour d’appel a déclaré les juridictions parisiennes incompétentes au profit des juridictions suisses.

Elle a en effet retenu que, si les banques suisses ne pouvaient être suivies lorsqu’elles affirmaient qu’elles ne dirigeaient aucune de leurs activités vers le territoire français, notamment au motif essentiel de la fermeture de l’une de leur succursale en France, au demeurant postérieurement aux faits en débats et alors que ce n’était pas le seul vecteur d’une telle activité dirigée vers l’étranger, il ne pouvait qu’être constaté, en revanche, qu’il ne ressortait d’aucun élément versé aux débats que tel serait le cas pour la location d’un coffre-fort dans une agence suisse.

Cependant, il n’appartenait pas au consommateur de démontrer que les banques suisses avaient précisément dirigé leur activité de location de coffre-fort vers la France mais il suffisait que le contrat de location de coffre-fort entrât dans le cadre des activités que la banque avait dirigées vers l’Etat français.

La Cour de cassation a dès lors censuré la cour d’appel, qui avait retenu la compétence des juridictions suisses, en jugeant qu’elle avait privé sa décision de base légale en s’abstenant de préciser la nature de l’activité dont elle estimait qu’elle était dirigée vers l’étranger, ainsi que les raisons pour lesquelles la location de coffres-forts en était exclue.


Mesure d’administration judiciaire – injonction production pièces –absence de voie de recours –appel irrecevable – appel nullité –excès de pouvoir

2ème Civ, 16 décembre 2021, n° 19-26.243

Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de se prononcer sur la qualification de mesure d’administration judiciaire et sur celle d’excès de pouvoir permettant aux parties d’attaquer une telle mesure insusceptible en principe de tout recours.

Dans cette affaire, une société avait déposé deux plaintes avec constitution de partie civile.

Elle avait ensuite saisi le tribunal aux fins d’obtenir la condamnation in solidum de plusieurs sociétés en réparation d’un préjudice résultant de prétendus manquements dans le cadre d’opération d’achat de titres.

En raison de la procédure pénale, le tribunal de commerce de Paris avait sursis à statuer par trois fois.

À l’occasion d’une nouvelle audience, deux parties en défense avaient présenté une demande de reprise de l’instance civile.

Par un jugement, les juges consulaires avaientfait injonction aux demandeurs de communiquer les pièces de la procédure pénale permettant d’établir selon eux les liens et l’influence de cette procédure sur l’instance civile et renvoyé l’affaire à une audience de mise en état.

Les demandeurs avaient formé un appel-nullité contre cette décision dont ils justifiaient la recevabilité en faisant valoir que dès lors qu’ilsne pouvaient exécuter la décision entreprise en raison du secret de l’instruction, les juges avaient commis un excès de pouvoir.

Le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris avait déclaré l’appel irrecevable, ce que la cour d’appel avait confirmé.

La Cour de cassation devait répondre à trois questions :

La décision par laquelle le tribunal, avant dire–droit, a faitinjonction à des parties de communiquer les pièces de la procédure pénale permettant d’établir selon elles les liens et l’influence de cette procédure sur l’instance devant le tribunal de céans constitue-t-elle une mesure d’administration judiciaire ?

Dans l’affirmative, une telle mesure d’administration judiciaire est-elle susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ?

La décision d’un juge civil faisant injonction à un demandeur qui sollicite un sursis à statuer de communiquer les pièces de la procédure pénale permettant d’établir selon lui les liens et l’influence de cette procédure sur l’instance devant le tribunal et renvoie les parties à une audience ultérieure procède-t-elle d’un excès de pouvoir ?

La Cour de cassation a jugé que constitue une mesure d’administration judiciaire, non susceptible de recours, sauf excès de pouvoir, la décision d’un juge qui se borne à enjoindre à une partie, sollicitant un sursis à statuer du fait d’une information pénale dans laquelle elle est constituée partie civile, de produire des éléments de la procédure pénale en vue d’établir l’influence de celle-ci sur la solution du procès civil et qui renvoie les parties à une audience ultérieure.

Et elle a jugé qu’aucun excès de pouvoir n’était consacré.

Cet arrêt est intéressant à un double titre.

Tout d’abord, la Cour de cassation, par cette décision, s’inscrit dans la ligne d’un précédent arrêt par lequel elle avait jugé que la décision de radiation du rôle de l’affaire, lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel, qualifiée de mesure d’administration judiciaire par l’article 526 du code de procédure civile, affecte l’exercice du droit d’appel, en sorte qu’elle peut faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir (Civ. 2ème, 9 janvier 2020, n°18-19301, à paraître au bulletin).

En principe, la Cour de cassation juge de façon constante que s’agissant du régime applicable aux mesures d’administration judiciaires, celles-ci ne sont sujettes à aucun recours (Civ. 2ème, 15 décembre 2016, n°15-27603 ; 28 septembre 2017, n°16-23497, à paraître au bulletin ; Soc., 17 octobre 2018, n°17-16885), fût-ce pour excès de pouvoir (Civ. 2ème, 9 juillet 2015, n°14-21377 ; Com, 22 mars 2016, bulletin d’information 2016, n° 848, chambre commerciale, n° 1121 ; Soc., 21 septembre 2017, n°16-18251 ; Civ. 1ère, 20 décembre 2017, n°16-24762 ; Com., 7 novembre 2018, n°17-16176, à paraître au bulletin).

Ainsi, l’arrêt en date du 16 décembre 2021 pose une seconde exception au principe posé par l’article 537 du code de procédure civile selon lequel les mesures d’administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours.

Par ailleurs, l’arrêt commenté se prononce sur la possibilité pour une partie de produire dans une instance civile des pièces issues d’une instruction pénale en cours.

Les décisions de la Cour de cassation sont contradictoires sur ce point.

En effet, la Cour de cassation a admis dans certaines décisions, qu’une partie civile (Soc., 26 janvier 2017, n°15-24711) ou une personne mise en examen (Com., 20 décembre 2017, n° 16-18856), bien que non tenues au secret de l’instruction, ne pouvaient produire dans une instance civile des pièces issues d’une instruction pénale en cours.

Mais la Cour de cassation a également jugé que la partie civile, qui n’est pas soumise au secret de l’instruction, a la faculté, au soutien de la demande de sursis à statuer qu’elle présente au juge civil en application de l’article 4 du code de procédure pénale, de produire, par le moyen de l’avocat ou de l’avoué qui la représentent, les éléments tirés d’une procédure pénale nécessaires aux besoins de sa défense (Crim., 14 octobre 2008, n°07-88459).

Dans le même sens, la Cour de cassation, a encore jugé, pour rejeter un pourvoi dirigé contre un arrêt ayant rejeté une demande de sursis à statuer formée une société mise en examen dans une procédure pénale, que c’était sans méconnaître les exigences d’un procès équitable et en l’absence de démarche de la société demanderesse aux fins que soient versées à la procédure civile les pièces du dossier pénal qu’elle considérait comme nécessaires aux besoins de sa défense, que la cour d’appel avait décidé, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir au pénal (Civ. 1ère, 20 septembre 2017, n°16-19643, à paraître au bulletin).

L’arrêt en date du 16 décembre 2021 s’inscrit dans la lignée des deux jurisprudences précitées.

Droit Public

Urbanisme – Contributions des constructeurs aux dépenses d’équipement public – Coût pouvant être mis à la charge du bénéficiaire de l’autorisation de construire – Notion d’équipement propre

CE, 30 décembre 2021, Société Ranchère, req. n° 438.832, mentionné aux tables du recueil Lebon

Il résulte des articles L. 332-6 et L. 332-15 du code de l’urbanisme que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme le coût des équipements propres à son projet.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d’un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l’article L. 332-15 précité, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l’autorisation.

Il indique encore qu’il en va de même pour les équipements que la collectivité publique prévoit, notamment dans le document d’urbanisme, d’affecter à des besoins excédant ceux du projet de construction.

En l’espèce, le bénéficiaire de l’autorisation de construire a réalisé une voie desservant une route départementale et préfigurant, par son tracé comme par ses caractéristiques en termes de largeur et d’aménagements, une voie primaire structurante, prévue dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du plan local d’urbanisme (PLU) pour permettre, une fois prolongée au sud, d’établir la liaison entre deux routes départementales.

Selon le Conseil d’Etat, alors même qu’elle avait été réalisée dans le but de desservir les seules constructions autorisées par le permis de construire, cette voie ne constitue pas, compte tenu de la destination que lui a affectée la commune dans le document d’urbanisme, un équipement propre au sens de l’article L. 332-15 du code de l’urbanisme.

L’arrêt d’appel a ainsi été censuré pour erreur de qualification juridique.


Urbanisme commercial – Exécution des jugements – Injonction adressée à la CNAC tendant à l’émission d’un avis favorable – Conditions

CE, 22 novembre 2021, Société Taninges Distribution, req. n° 441.118, mentionné aux tables du recueil Lebon

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat tranche pour la première fois la question de la possibilité pour une cour administrative d’appel annulant un avis négatif ou une décision de refus d’un projet par la CNAC d’adresser à cette dernière une injonction d’émission d’une autorisation ou d’un avis positif.

Le Conseil d’Etat indique ainsi qu’en vertu des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative (CJA), le juge administratif peut, s’il annule la décision prise par l’autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l’égard de l’autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu’à l’égard de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC).

La circonstance qu’elle soit chargée par l’article R. 752-36 du code de commerce d’instruire les recours dont elle est saisie ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif lui enjoigne, sur le fondement de l’article L. 911-1 du CJA, de prendre une mesure dans un sens déterminé si les motifs de la décision juridictionnelle l’impliquent nécessairement.

Toutefois, l’annulation de la décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale sur le fondement d’un avis défavorable rendu par la CNAC n’implique, en principe, qu’un réexamen du projet par cette commission.

Il n’en va autrement que lorsque les motifs de l’annulation impliquent nécessairement la délivrance d’un avis favorable.

Concrètement, si la CNAC ne s’est pas prononcée sur tous les critères relatifs aux objectifs figurant à l’article L. 752-6 du code de commerce, il doit y avoir place pour un réexamen, ce qui a justifié, en l’espèce, la censure de l’arrêt d’appel.


Elections – Sanction d’inéligibilité

CE, 10 novembre 2021, Elections municipales de Arue, req. n° 450.401, mentionné aux tables du recueil Lebon

Il résulte de l’article L. 118-4 du code électoral que le juge de l’élection peut, le cas échéant d’office, déclarer inéligibles, pour une durée maximale de trois ans, des candidats ayant personnellement accompli des manœuvres frauduleuses ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin litigieux.

Le Conseil d’Etat, pour infirmer partiellement le jugement de première instance ayant rejeté les demandes d’inéligibilité formulées par l’auteur de la protestation électorale, lequel avait déjà obtenu l’annulation du scrutin, a ajouté que doivent être regardés comme tels les candidats qui, informés de l’existence ou de la préparation de telles manœuvres, se sont abstenus de prendre toute mesure utile en vue de les prévenir ou d’y mettre fin.


Collectivités territoriales – Commune – Police de la sécurité – Immeubles menaçant ruine – Procédure de péril – Juge du référé constat saisi en cas de péril imminent

CE, 30 novembre 2021, Syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers, req. n° 439.491, mentionné aux tables du recueil Lebon

Dans cette procédure aussi ancienne que peu usitée, le Conseil d’Etat donne des indications sur l’office du juge du référé-constat saisi sur le fondement de l’article L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation (CCH) pour la désignation d’un expert aux fins d’examiner l’état d’un immeuble et de déterminer les mesures à prendre en cas de péril imminent.

Il rappelle que si l’article L. 511-3 du CCH, repris à l’article L. 511-9 du même code, et les articles R. 556-1 et R. 531-1 du code de justice administrative (CJA) ne s’opposent pas à ce que le juge des référés mette en cause le propriétaire du bâtiment et les autres défendeurs éventuels avant de rendre son ordonnance, elles ne lui en font pas obligation.

En revanche elles lui imposent, s’il nomme un expert aux fins d’effectuer les missions prévues par l’article L. 511-3 du CCH, devenu son article L. 511-9, de leur notifier immédiatement cette ordonnance, l’expertise devant avoir lieu en présence de ces défendeurs.

La même règle s’applique si le juge des référés rejette la demande du maire et que la commune fait appel de son ordonnance devant le juge des référés de la cour administrative d’appel, en application de l’article R. 533-1 du CJA.

Le juge des référés statuant en appel n’est alors, en effet, pas davantage tenu de mettre en cause le propriétaire du bâtiment et les autres défendeurs éventuels avant de rendre son ordonnance, y compris dans le cas où ceux-ci auraient été mis en cause en première instance.

Il lui appartient toutefois également, s’il désigne un expert, de leur notifier son ordonnance.

En revanche, lorsque le juge des référés du tribunal administratif fait droit à la demande d’expertise présentée par le maire, le principe du caractère contradictoire de la procédure impose au juge des référés, saisi, soit par la voie de l’appel, soit par celle de la tierce opposition, d’une contestation de l’ordonnance ayant ordonné l’expertise, de mettre en cause la commune avant de statuer.

Il n’est en revanche pas tenu de mettre en cause les autres personnes auxquelles avait, le cas échéant, été notifiée l’ordonnance ayant nommé l’expert.

Il lui appartient toutefois de leur notifier son ordonnance dans le cas où, parce qu’il se trouve ressaisi de la demande de la commune, il rejette cette demande ou modifie la mission de l’expert.

Enfin, dans le cas particulier où la commune fait appel d’une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif ayant, à la demande d’un tiers-opposant, déclaré nulle et non avenue une précédente ordonnance ayant nommé un expert à la demande du maire, le même principe du caractère contradictoire de la procédure impose au juge des référés statuant en appel d’appeler à l’instance ce tiers-opposant.

Dans cette hypothèse, il n’est pas davantage tenu de mettre en cause les autres personnes auxquelles avait, le cas échéant, été notifiée l’ordonnance ayant nommé l’expert, mais il lui appartient là encore, s’il désigne un expert, de leur notifier son ordonnance.

Dans le cas d’espèce, le syndicat, sur tierce-opposition, avait obtenu l’annulation de la désignation de l’expert.

La commune avait interjeté appel mais le juge des référés n’avait pas mis en cause le syndicat de copropriétaire.

Le Conseil d’Etat relève ce vice mais, en tirant les conséquences, constate que le syndicat n’était ni présent ni représenté à l’instance, de sorte qu’il lui appartenait non pas de former un pourvoi en cassation mais une nouvelle tierce-opposition.

Ses conclusions sont donc ainsi réinterprétées et le litige a été renvoyé au juge des référés de la cour administrative d’appel.


Procédure contentieuse – Instruction – Expertise – Manquement au caractère contradictoire de l’expertise – Moyen nouveau en appel- Recevabilité

CE, 30 novembre 2021, req. n° 430.492, mentionné aux tables du recueil Lebon

Opérant un revirement d’une jurisprudence estimée datée et peu pertinente(CE, 15 février 1957, Ministre des travaux publics c/ Bergeret, n° 99033), le Conseil d’Etat estime désormais que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d’expertise n’est pas irrecevable devant la cour administrative d’appel, alors même qu’il est présenté pour la première fois en appel.

Droit Pénal et Procédure Pénale

Droit pénal de l’urbanisme – Nouvelle-Calédonie – Exécution d’une construction sans autorisation – Existence d’un permis tacite

Crim., 3 novembre 2021, n° 20-86.423

En vertu des articles Lp. 121-4 et 121-5 du code de l’urbanisme de Nouvelle-Calédonie et 5 de la délibération n° 19 du 8 juin 1973 de la province Sud, un permis de construire est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée à l’issue de l’expiration du délai de trois mois pour l’instruction de la demande. Si le dossier est incomplet, l’autorité compétente invite, dans le délai d’un mois à compter du dépôt de la demande, le demandeur à fournir dans un délai de deux mois les pièces pour compléter le dossier.

La Cour de cassation rappelle, dans ce cas d’espèce de Nouvelle-Calédonie mais transposable en métropole, qu’il appartient alors à l’administration de prouver qu’elle a effectivement notifié au pétitionnaire une demande de pièces supplémentaires de nature à faire obstacle à la naissance d’un permis tacite.

Sur le fondement de ces textes et de l’article 593 du code de procédure pénale, elle censure ainsi l’arrêt qui, pour retenir la culpabilité du prévenu pour l’exécution de travaux sans permis de construire, énonce que, certes, la province Sud n’est pas en mesure de justifier que la lettre d’incomplétude du 31 mars 2015 a été reçue par la société ACC ni même que cette lettre a été postée, mais que cette société a ensuite déposé le 15 janvier 2016 un rapport attestant de la conformité des terrassements et ajoute que l’acharnement à obtenir un permis de construire, trois demandes de permis ayant été déposées et un recours ayant été exercé devant les juridictions administratives, démontre que la société ACC ne considérait pas qu’elle bénéficiait d’un permis tacite et que l’administration l’avait bien informée dans le délai imparti du caractère incomplet de sa demande.