DROIT CIVIL

 
Cautionnement – caution – disproportion – appréciation

Civ. 1, 28 septembre 2022, n° 21-14673, publié au bulletin

Par cet arrêt, la Cour de cassation a rappelé deux principes essentiels.

D’abord, au visa de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, elle a rappelé que la banque était tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’était pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Ensuite, elle a rappelé que les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l’appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement.

En conséquence, elle a cassé la décision de la cour d’appel de Toulouse qui, pour condamner la banque à payer à la caution des dommages-intérêts en réparation d’un manquement au devoir de mise en garde, avait retenu que la caution, qui n’était pas avertie, avait souscrit un engagement disproportionné à ses biens et revenus dès lors qu’elle disposait un revenu mensuel de 3 500 euros par mois, qu’elle était propriétaire d’un bien immobilier constituant sa résidence principale grevé d’un emprunt et que son patrimoine était largement inférieur à l’engagement souscrit.

Elle a censuré la cour pour ne pas avoir recherché, comme il le lui était pourtant demandé, si la caution n’était pas également titulaire de 99% des parts de la Sci cautionnée.
Si cet arrêt s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation, les solutions qu’il rappelle n’en demeure pas moins intéressantes en pratique.

Bail rural – départ copreneur – droit renouvellement du bail – cessionnaire – absence d’obligation d’informer le propriétaire en cas de cessation d’activité du copreneur – effet

Civ.3, 6 juillet 2022, n°21-12833, FS, publié au bulletin

Dans cette affaire, la troisième Chambre civile a consacré un principe justifiant la publication au bulletin de sa décision.

Elle a rejeté le moyen du pourvoi qui se prévalait des dispositions de l’article L 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime pour en déduire que lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose d’un délai de trois mois à compter de cette cessation ou de l’entrée en vigueur de la loi pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom. Il se prévalait également de l’article L 411-31 II du même code prévoyant que le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie de toute contravention aux dispositions de l’article L 411-35 pour en déduire que le défaut d’accomplissement de l’obligation d’information du propriétaire, en cas de cessation d’activité de l’un des copreneurs, constitue un manquement justifiant le prononcé de la résiliation du bail.

La Cour de cassation écarte ce grief en se fondant sur l’article L 411-46 alinéa 2 selon lequel en cas de départ de l’un des conjoints ou partenaires d’un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l’exploitation a droit au renouvellement du bail.

Elle en déduit que lorsqu’en application de ces dispositions, le bail s’est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l’exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l’obligation d’information du propriétaire en cas de cessation d’activité de l’un des copreneurs qui résulte des alinéa 3 et 4 de l’article L 411-35, dans sa version issue de la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014.

La troisième Chambre civile de la Cour de cassation a ainsi fait une application d’une solution qu’elle avait consacrée par un arrêt du 21 janvier 2021 (n°20-10916) dans lequel elle avait décidé que le renouvellement, en ce qu’il entraîne la formation d’un nouveau bail, prive la bailleresse de la possibilité d’en demander la résiliation pour un défaut de paiement des fermages dus au titre du bail expiré.

Ainsi, de façon analogue, un bailleur ne peut, postérieurement au renouvellement du bail au profit du copreneur restant, en demander la résiliation pour défaut d’accomplissement de l’obligation d’informer le bailleur, dans les trois mois de l’entrée en vigueur de la loi du 13 octobre 2014, de ce que le copreneur avait cessé de participer à l’exploitation du bien loué.

Cette solution est d’autant plus justifiée que le nouveau dispositif légal inséré dans l’article L 411-35 avait pour effet de reconnaître pleinement le droit de l’un des copreneurs au renouvellement du bail en cas de cessation d’activité de l’autre, ce qui était de nature à favoriser la stabilité recherchée de l’exploitant agricole.

PROCEDURE CIVILE

Intervention forcée – déclaration de jugement commun – absence d’effet interruptif de prescription

Com, 12 octobre 2022, n°19-18945, FS, publié au bulletin

La Cour de cassation n’avait pas encore eu l’occasion d’affirmer la solution qu’elle vient de consacrer par cet arrêt.

Ainsi, par un arrêt de principe destiné à la publication, elle a jugé qu’une assignation en intervention forcée aux seules fins de déclaration de jugement commun n’avait pas d’effet interruptif de prescription au sens de l’article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008.

Autrement dit, selon la Haute juridiction, une assignation en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun ne constitue pas une citation en justice.

On rappellera que l’intervention forcée est, en effet, l’action par laquelle une partie appelle à l’instance une personne qui était jusqu’alors tiers.

L’article 331 du code de procédure civile précise qu’« un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement ».

Il existe ainsi deux types d’interventions forcées.

La première vise à obtenir la condamnation du tiers.

Mais la seconde a pour seul effet de rendre la chose jugée opposable à ce tiers (Civ. 3ème, 23 juin 1981, B 132) et permet ainsi d’éviter qu’il ne forme une tierce opposition à l’encontre de la décision (D. d’Ambra et A.-M. Bougon, Intervention, n°114 et 115, Répertoire de procédure civile, Dalloz ; J.-J. Taisne, Fasc. 600-20 : Intervention, n°110, Jurisclasseur Procédure civile).

Dès lors, une demande de déclaration de jugement commun ne tend ni à contester le droit du défendeur, ni à obtenir sa condamnation.

Ainsi par exemple, dans une espèce où l’arrêt, statuant sur une demande de mainlevée d’un commandement de payer aux fins de saisie-vente, avait retenu que le juge de l’exécution n’était pas compétent pour se prononcer sur les demandes formées par le créancier à l’égard des notaires ayant rédigé l’acte de prêt dès lors que celles-ci relevaient d’une action en responsabilité, la Cour de cassation avait jugé qu’en statuant ainsi, alors que l’appel en intervention forcée des notaires tendait, non pas à une condamnation, mais à une simple déclaration de jugement commun, et entrait dès lors dans le champ de la compétence d’attribution du juge de l’exécution, la cour d’appel avait violé les articles 4 et 331, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire (Civ. 1ère, 13 mai 2014, n°13-15670). (Voir dans le même sens : Civ. 1ère, 1er mars 2017, n°15-28432).

La Cour de cassation avait ainsi jugé que le juge de l’exécution était compétent pour statuer sur un appel en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun formé à l’encontre d’un notaire. La compétence du juge de l’exécution pour statuer sur l’intervention forcée précitée s’explique par l’objet même de la déclaration de jugement commun. En effet l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire interdit au juge de l’exécution de statuer sur une contestation qui ne serait pas liée l’exécution forcée. Or en principe, le notaire qui a rédigé l’acte de prêt qui constitue le titre exécutoire est étranger aux litiges relatifs à l’exécution forcée.Aussi les demandes tendant à obtenir sa condamnation, telle qu’une action en responsabilité, ne constituent pas des constatations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. Par conséquent le juge de l’exécution n’est en principe pas compétent pour statuer sur les demandes portant sur le fond du droit formées par le débiteur ou le créancier à l’encontre du notaire.

Aussi ce n’est que parce que la demande de déclaration de jugement commun formée à l’encontre du notaire ne tendait ni à obtenir sa condamnation ni à contester ses droits que la Cour de cassation a jugé que le juge de l’exécution était compétent pour statuer dessus.

Dès lors que la demande d’intervention forcée ne constituait pas une contestation portant sur le fond du droit, le juge de l’exécution était compétent pour statuer dessus.

Or une demande qui ne vise ni à obtenir la condamnation du défendeur ni à contester ses droits n’est pas interruptive de prescription.

Par conséquent une demande de déclaration de jugement commun, qui a seulement pour objet de rendre opposable au tiers la décision, ne constitue pas une citation en justice au sens de l’article 2244 du code civil.

Elle n’est dès lors pas interruptive de prescription.

Action – délai recours – prescription – interruption – demande d’aide juridictionnelle – caducité décision d’admission à l’aide juridictionnelle

Soc, 12 juillet 2022, n°21-15091, publié au bulletin

Cette décision vient consacrer un nouveau principe ce qui explique sa publication au bulletin. Si la solution a été rendue en matière de contestation d’un licenciement, sa portée demeure plus générale et s’applique à tout type d’action.

La Chambre sociale s’est prononcée au visa de l’article L 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 (prévoyant que l’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans), de l’article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 dans sa version antérieure au décret n°2016-1907 du 28 décembre 2016 (prévoyant que l’action est réputée intentée dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai, et, en cas d’admission, si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la date à laquelle un avocat a été désigné) et de l’article 54 du même décret (prévoyant que la décision d’admission à l’aide juridictionnelle est caduque si, dans l’année de sa notification, la juridiction n’a pas été saisie de l’instance en vue de laquelle l’admission est prononcée).

Le droit au procès équitable et le respect des droits de la défense imposent que, dans les procédures où la représentation des parties est obligatoire, le délai de prescription de l’action en justice soit interrompu à l’égard de la partie qui a demandé le bénéfice de l’aide juridictionnelle, durant le temps de l’instruction de sa demande et jusqu’à la notification de la décision lui notifiant la désignation de son représentant.

De sorte qu’« un nouveau délai de même durée » court à compter de la date de cette notification.

Il faut, dès lors, que la demande en justice suive effectivement « dans un nouveau délai de même durée ».A défaut, l’action est prescrite.

Or, à cet égard, une seconde demande d’aide juridictionnelle, même formée dans le délai d’action, ne permet pas d’interrompre une nouvelle fois ce délai qui avait recommencé à courir à compter de la notification de la décision du bureau d’aide juridictionnelle, fût-ce en cas de caducité de la première décision d’admission (2ème civ. 8 septembre 2011, B 162).

En effet, si la demande d’aide juridictionnelle produit une interruption des délais pour agir, c’est pour permettre aux demandeurs les plus démunis ayant besoin d’une assistance pécuniaire de pouvoir être défendus par un avocat.

Mais si, en raison de l’inaction du demandeur, qui n’a pas fait diligence en s’abstenant d’agir dans le délai imparti par l’article 54 du décret du 19 décembre 1991, la décision d’admission s’avère par la suite caduque et si ce dernier demande, en conséquence, une nouvelle délibération du bureau d’aide juridictionnelle, cette seconde demande ne peut avoir pour effet d’interrompre une nouvelle fois le délai de prescription qui avait recommencé à courir à compter de la notification de la décision de désignation de l’avocat.

La caducité de la décision d’admission à l’aide juridictionnelle lorsque la juridiction n’a pas été saisie dans l’année de sa notification n’a d’effet qu’en ce qui concerne le bénéfice de l’aide juridictionnelle et n’a pas d’incidence sur l’interruption des délais résultant de l’aide juridictionnelle (2ème civ. 7 mai 2003, B 128).

Le demandeur ne peut, en conséquence, se prévaloir comme cause d’interruption de la prescription de son action d’une seconde demande d’aide juridictionnelle formée après que la décision d’admission de sa première demande s’est trouvée frappée de caducité faute d’avoir été mise en œuvre dans un délai d’un an.En effet, cette caducité de la première décision d’admission à l’aide juridictionnelle n’affecte pas l’ensemble de la procédure d’aide juridictionnelle.

Elle ne concerne que le bénéfice de l’aide elle-même et ne remet pas en cause l’interruption du délai d’action résultant de la première demande d’aide juridictionnelle, lequel délai ne peut être interrompu une seconde fois.

Il ne saurait, en effet, y avoir des interruptions successives de de´lai d’action par le de´po^t de plusieurs demandes d’aide juridictionnelle.

Aussi, dès lors que le demandeur n’a pas agi dans le nouveau délai de même durée qui court à compter de la date d’admission de sa première demande d’aide juridictionnelle, l’action est prescrite puisque la seconde condition précitée n’est pas réunie.

Ainsi, lorsque, à la suite de la caducité de la décision d’admission de sa demande d’aide juridictionnelle – comme d’ailleurs du rejet de cette demande -, le demandeur présente une nouvelle demande d’aide juridictionnelle ayant le même objet que la précédente, par dérogation aux dispositions de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, le délai d’action n’est pas interrompu une seconde fois.

Cet article 38 a d’ailleurs été modifié en ce sens.

Dans sa version modifiée par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, en vigueur à compter du 1er janvier 2017, il dispose, en effet, que « par dérogation au premier alinéa du présent article, le délai pour intenter une action en justice […] n’est pas interrompu lorsque, suite au rejet de sa demande d’aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente ».

Par analogie, lorsqu’à la suite de la caducité de sa première décision d’admission faute d’avoir agi dans le délai imparti, le demandeur présente une nouvelle demande d’aide juridictionnelle ayant le même objet que la précédente, fût-ce dans le délai d’action, le délai pour intenter une action en justice n’est pas non plus interrompu.

C’est ce qu’a décidé la Chambre sociale dans l’arrêt du 12 juillet dernier.

 

DROIT DE L’UNION ET DROIT CONSTITUTIONNEL


Question prioritaire de constitutionnalité – non-lieu à statuer – absence de règle et de principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France – conséquence nécessaire dispositions impératives droit de l’Union européenne – santé publique

Crim, 20 septembre 2022, n°22-90012, non-lieu à renvoi QPC

Malgré son caractère succinct, cet arrêt présente le mérite de rappeler des règles essentielles relatives à la compétence du Conseil constitutionnel.

En l’occurrence, le tribunal correctionnel de Paris avait ordonné la transmission à la Chambre criminelle de la question prioritaire suivante :

« L’article L. 3513-4 du code de la santé publique, en tant qu’il ne prévoit pas, en matière de retransmission de compétitions de sport mécanique contenant de la publicité directe ou indirecte en faveur des produits de vapotage et qui se déroulent dans des pays où la publicité pour ces produits est autorisée, une exception équivalente à celle qui est prévue pour les produits du tabac, porte-t-il une atteinte inconstitutionnelle aux droits et libertés que la Constitution garantit, en particulier au principe d’égalité, à la liberté d’entreprendre, à la liberté contractuelle, au principe de légalité des délits et des peines, ainsi qu’à la liberté de communication ? »

On rappellera que la prohibition de la publicité pour les produits de vapotage prévue par l’article L 3513-4 du code de la santé publique transpose en droit national les dispositions de la directive n° 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes.

L’article L. 3513-4 qui était critiqué par la question prioritaire de constitutionnalité en est la transposition fidèle.

Selon le préambule de la directive, la réglementation de ces produits « devrait prendre en compte un degré élevé de protection de la santé publique », en conséquence de quoi le législateur européen a estimé nécessaire de réglementer « les dispositions nationales » en matière de publicité et de parrainage de ces mêmes produits ayant des effets transfrontaliers, avec pour « base un niveau élevé de protection de la santé humaine », en adoptant « une approche restrictive en ce qui concerne la publicité pour les cigarettes électroniques et les flacons de recharge ».

L’article 20, § 5 de cette directive dispose :

« Les Etats membres veillent à ce que :

a) les communications commerciales dans les services de la société de l’information, dans la presse et dans d’autres publications imprimées, qui ont pour but ou effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge, soient interdites, à l’exception des publications destinées exclusivement aux professionnels du commerce des cigarettes électroniques ou des flacons de recharge et des publications imprimées et éditées dans des pays tiers et non principalement destinées au marché de l’Union ;

b) les communications commerciales à la radio, qui ont pour but ou pour effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge, soient interdites ;

c) toute forme de contribution publique ou privée à des programmes de radio ayant pour but ou effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge soit interdite ;

d) toute forme de contribution publique ou privée à un événement, à une activité ou en faveur d’un individu ayant pour but ou pour effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge et concernant plusieurs Etats membres soit interdite ;

e) les communications audiovisuelles commerciales relevant de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil soient interdites pour les cigarettes électroniques et les flacons de recharge. »

En transposant au sein de l’article L. 3513-4 du code de la santé publique ces dispositions, comme il l’a fait, le législateur national a suivi les injonctions du législateur européen.

Il a, en effet, posé l’interdiction de la publicité en faveur des produits du vapotage tel qu’exigée par la directive, sans y introduire une exception contraire à ce texte.

Les trois seules exceptions prévues par ce même article L. 3513-4, dans la version issue de la transposition de la directive en droit national, sont, très précisément, celles prévues par le texte européen, en ce que le texte français précise :

« Ces dispositions ne s’appliquent pas :

1° Aux publications et services de communication en ligne édités par les organisations professionnelles de producteurs, fabricants et distributeurs des produits du vapotage, réservés à leurs adhérents, ni aux publications professionnelles spécialisées dont la liste est établie par arrêté ministériel signé par les ministres chargés de la santé et de la communication ; ni aux services de communication en ligne édités à titre professionnel qui ne sont accessibles qu’aux professionnels de la production, de la fabrication et de la distribution des produits du vapotage ;

2° Aux publications imprimées et éditées et aux services de communication en ligne mis à disposition du public par des personnes établies dans un pays n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen, lorsque ces publications et services de communication en ligne ne sont pas principalement destinés au marché communautaire ;

3° Aux affichettes relatives aux produits du vapotage, disposées à l’intérieur des établissements les commercialisant et non visibles de l’extérieur. »

La directive n’a, en effet, pas prévu d’autres exceptions possibles, et c’est donc en se conformant rigoureusement à son devoir de transposition fidèle que le législateur français n’a pas, non plus, lui-même, prévu d’autres exceptions.

La question prioritaire de constitutionnalité posée reprochait ainsi au législateur d’avoir fidèlement transposé en droit interne une directive européenne et, ce faisant, de s’être acquitté d’une exigence tant supranationale que constitutionnelle.

Elle était dirigée contre des dispositions législatives qui ont tiré les conséquences nécessaires de dispositions impératives de droit de l’Union Européenne et qui, partant, n’entrent pas dans le champ de la question prioritaire de constitutionnalité.

En effet, les dispositions législatives qui tirent les conséquences nécessaires de dispositions impératives de droit de l’Union Européenne ne sont pas des dispositions entrant dans le champ de la question prioritaire de constitutionnalité.

Plus précisément, en l’absence de mise en cause d’une règle ou d’un principe inhérents à l’identité constitutionnelle de la France, le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour contrôler la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de telles dispositions (Cons. const., 17 décembre 2010, Kamel D., n° 2010-79 QPC).

Si elle est néanmoins saisie, la Haute juridiction constitutionnelle prononce alors le non-lieu à statuer (Con. const., 4 avril 2014, Sté Sephora, n° 2014-373 QPC).

Il n’y a, par conséquent, pas lieu de lui renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité dans ces cas (CE, QPC, 8 juillet 2015, n° 390.154).

A ce même sujet, la transposition en droit interne d’une directive européenne résulte, elle-même, d’une exigence constitutionnelle (Cons. const., 27 juillet 2006, n° 2006-540 DC).

La question prioritaire de constitutionnalité renvoyée à la Chambre criminelle ne pouvait conduire qu’au prononcé d’un non-lieu à statuer.

C’est bien ce que la Chambre criminelle a décidé en jugeant que « la question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que les dispositions de l’article L. 3513-4 du code de la santé publique, qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, ne mettent en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France. »

 

DROIT PUBLIC


Urbanisme – Régularisation par un permis modificatif – Evolution des circonstances de fait

CE, 10 octobre 2022, Société Territoires Soixante-Deux, req. n° 451.530, mentionné aux tables du recueil Lebon

Le Conseil d’Etat précise qu’une autorisation d’urbanisme modificative peut purger l’illégalité initiale du projet, non seulement à raison de l’évolution des règles de droit, comme cela avait déjà été jugé par un arrêt du 7 mars 2018, (req. n°404.079), mais aussi à raison de l’évolution des circonstances de fait.

En l’espèce, la question de savoir si les constructions projetées se trouvaient en continuité des zones déjà urbanisées doit donc s’apprécier à la date du permis modificatif, et non pas à la date du permis initial. La localisation d’un projet, initialement irrégulière, peut ainsi être régularisée par l’évolution de la situation de fait.