Newsletter trimestrielle n°22

L’activité du second trimestre 2023 du cabinet a été particulièrement riche en décisions notables.
Nous avons ainsi obtenu un nombre important de décisions consacrant de nouveaux principes, que ce soit en matière de santé publique avec les arrêts des prothèses mammaires PIP, de droit des assurances, de cautionnement, de droit de la consommation, de divorce, de procédure civile, de responsabilité quasi délictuelle en cas de pratiques anticoncurrentielles commises à l’occasion de la passation d’un marché public en ou encore d’urbanisme.
On peut observer l’influence de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’Homme sur les principes consacrés par les juridictions de cassation.
La très grande majorité de ces décisions ont fait l’objet d’une publication au bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation ou au recueil Lebon.
Cette 22ème newsletter revient brièvement sur ces arrêts de principe pour en rappeler de manière concise la portée jurisprudentielle et l’intérêt juridique et pratique.

Droit Civil

Santé publique – Dispositifs médicaux – Importation, mise en service ou utilisation – Certification de conformité – Organisme notifié – Obligation de vigilance

1ère Civ., 25 mai 2023, n° Z 22-11.541, publié au bulletin
1ère Civ., 25 mai 2023, n° T 21-14.843, publié au bulletin
1ère Civ., 25 mai 2023, n° U 21-14.844
1ère Civ., 25 mai 2023, n° P 21-23.257

Par quatre arrêts rendus le même jour, dans le cadre de pourvois formés contre des arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, de Versailles et de Paris, cette dernière ayant statué sur renvoi après cassation, la Cour de cassation a définitivement confirmé la responsabilité des sociétés TUV Rheinland LGA Products et TUV Rheinland France à l’égard de victimes porteuses de prothèses mammaires PIP ainsi que de plusieurs distributeurs de prothèses, au motif qu’elles avaient manqué à leurs obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l’exercice de leur mission de certification des prothèses.

On notera également que dans l’une de ces décisions (n° 22-11.541), la Cour de cassation a, pour la première fois, jugé que l’atteinte au droit au respect de la santé, caractérisée en l’espèce par la découverte tardive de la fraude commise par le fabriquant des prothèses mammaires, constituait un préjudice moral distinct, ouvrant droit à réparation indépendamment du préjudice d’anxiété résultant du risque d’être porteuse d’une prothèse susceptible de présenter un danger pour la santé.

Des cassations partielles ont cependant été prononcées sur la période de responsabilité retenue qui restera l’un des derniers points à discuter devant les juges de renvoi.

Assurances de personnes – Assurance-vie – Contrats de capitalisation – Taux minimum garanti – Changement du taux moyen des emprunts de l’Etat français – Effets – Versements non programmés en cours de contrat – Exclusion – Versements déjà effectués ou programmés à la souscription

2ème Civ., 20 avril 2023, n° 21-23.712, publié au bulletin

Dans cet arrêt publié au Bulletin, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France qui avait considéré que les modifications apportées aux conditions générales d’un contrat d’assurance retraite étaient opposables aux sociétés adhérentes dont les contrats avaient été tacitement reconduits, dès lors que ces modifications résultaient de dispositions réglementaires d’ordre public postérieures à la reconduction du contrat.

Elle a considéré que même si la règle applicable aux versements non programmés aux termes du contrat d’assurance était celle en vigueur au moment du versement, cela ne pouvait avoir pour effet de modifier les situations juridiques existantes, de sorte que les taux minimums garantis restent identiques pour l’ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription.

Ce faisant, la Cour de cassation, qui avait déjà jugé que les versements réalisés antérieurement à une réforme n’étaient pas affectés par celle-ci, a précisé que seule la date à laquelle les versements avaient été décidés devait être prise en compte pour déterminer le régime applicable, peu important celle à laquelle ils avaient été effectivement mis en œuvre.


Assurances – Police – Mention relative à la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance – Omission – Sanction – Inopposabilité à l’assuré Assurance responsabilité – Garantie –Globalisation du sinistre – Exclusion – Manquement de l’assuré à ses obligations d’information et de conseil

Civ 2, 6 juillet 2023, n°21-25.951 et n°22-10.379

Dans cet arrêt, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation rappelle deux règles distinctes en matière de droit des assurances.

Elle réitère, d’une part, la solution désormais classique, depuis un arrêt publié en date du 2 juin 2005 (Civ 2, 2 juin 2005, n°03-11.871, B 141), selon laquelle le fait pour l’assureur de ne pas rappeler les dispositions de la loi concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance est sanctionné par l’inopposabilité du délai de prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances.

Elle précise que tel est le cas, lorsque, comme en l’espèce, le contrat ne précise ni les causes ordinaires d’interruption de la prescription ni toutes les causes d’interruption spécifiques de la prescription biennale prévues à l’article L. 114-2 du code des assurances, peu important qu’il rappelle, par ailleurs, le point de départ du délai de prescription et une des causes d’interruption de ce délai (tenant à l’envoi d’une lettre recommandée).

Elle fait, d’autre part, une application combinée des règles déterminant le champ d’application des règles relatives à la globalisation des sinistres ainsi que des règles applicables en matière de contrats d’assurance « en base réclamation ».

Elle rappelle ainsi que selon l’article L. 124-5, alinéa 4 du code des assurances, « lorsque la garantie est déclenchée par la réclamation, l’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie ».

Elle rappelle également que comme elle le juge depuis un arrêt publié en date du 24 septembre 2020 (Civ 2, 24 septembre 2020, n°18-12.593 et n°18-13.726, B, l’article L. 124-1-1 du code des assurances qui consacre la globalisation des sinistres – en disposant que « constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l’assuré, résultant d’un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations », que « le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage » et qu’ « un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique » – n’est pas applicable « à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d’information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l’existence d’une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique ».

Et elle juge qu’ « il en résulte que la connaissance par l’assuré, lors de la souscription de son assurance, de la réclamation d’une victime se prévalant de tels manquements est insuffisante à établir sa connaissance du fait dommageable tendant à ce qu’il soit déclaré responsable à l’égard d’autres victimes de manquements de même nature, justifiant d’écarter la garantie de l’assureur ».

Elle censure en conséquence la cour d’appel qui, pour mettre hors de cause un assureur, avait retenu que l’assuré savait, lors de la souscription de son assurance responsabilité, qu’un de ses clients recherchait sa responsabilité au titre de son obligation d’information et de conseil, alors que la garantie de l’assureur était sollicitée au titre d’un manquement causé à un autre client.


Cautionnement – Caution – Recours contre le débiteur principal – Recours personnel – Exercice – Procédure de surendettement – Opposabilité des mesures rendues exécutoires par le juge de l’exécution – Information de la caution par la commission

Civ. 1ère, 13 avril 2023, n°21-23334, publié au bulletin

Par cet arrêt de principe, la Cour de cassation a inauguré une solution.

Elle a ainsi jugé qu’il résulte de la combinaison des articles L. 331-3, II, alinéa 4, L. 331-7-1 et L. 331-8 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que la caution, personne morale, qui est devenue personnellement créancière du débiteur par le règlement de la créance initiale effectué au cours de la procédure de surendettement, peut se voir opposer les mesures rendues exécutoires par le juge de l’exécution à l’égard de la créance cautionnée, si la caution a été avisée par la commission.

Elle jugeait cependant que les mesures de réduction de la dette prononcée par la commission de surendettement dans le cadre d’une procédure de surendettement ne s’appliquent pas à la créance de la caution qui a payé la dette du débiteur principal (1ère Civ., 15 juillet 1999, B. 148 ; 28 mars 2000, B. 107).

Dès lors, la Cour de cassation a refusé d’appliquer, par analogie, cette même jurisprudence lorsque la dette a fait l’objet d’une mesure d’effacement.

Elle a ainsi censuré la cour d’appel qui, pour condamner le débiteur en surendettement à payer une certaine somme à la caution, avait retenu que le plan de surendettement n’était pas opposable à la caution qui n’a pas participé à cette procédure.

En effet, la cour ne pouvait se déterminer ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la caution avait été avisée par la commission de l’ouverture de la procédure.


Protection des consommateurs – Surendettement – Commission de surendettement – Mesures imposées – Contestation – Office du juge

Civ.2ème, 17 mai 2023, n°21-15373, publié au bulletin

Par cet arrêt de principe, la Cour de cassation vient consacrer un principe inédit.

Elle a ainsi décidé que le juge, par l’effet de la contestation des mesures imposées par la commission, est investi de la mission de traiter l’ensemble de la situation de surendettement du débiteur, sans pouvoir écarter les créances qui ne figureraient dans les mesures imposées par la commission, ou dont les créanciers ne seraient pas parties à la procédure, dès lors qu’il a la faculté de procéder à l’appel des créanciers.

Dès lors, a précisé la Haute juridiction, il appartient au juge, qui ne peut refuser d’examiner une créance déclarée pour la première fois par le débiteur à l’occasion de la contestation des mesures imposées, d’appeler à la cause, par convocation, en application de l’article 14 du code de procédure civile, le créancier concerné.

Ainsi, elle a censuré au visa de l’article L. 733-13 du code de la consommation, la cour d’appel qui, pour refuser de statuer sur la créance de la société Sofemo, avait énoncé qu’elle était saisie de l’appel du jugement du 10 décembre 2019 infirmant les mesures imposées le 18 juillet 2019 par la commission et donc de l’état des créances que celle-ci avait établi, dans lequel ne figurait pas la dette de 2863,55 € que les époux débiteurs, auteurs du pourvoi, reconnaissaient devoir à cette société qu’ils n’avaient pas appelée en cause.


Droit de l’Union européenne – Droit de la consommation – notion de consommateur au sens du règlement (UE) n°1215/2012 (Bruxelles I Bis) concernant les juridictions compétentes en matière civile et commerciale

Civ 1ère, 28 juin 2023, n°22-12.424

Cette décision est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler les critères de qualification du consommateur au sens du règlement Bruxelles I Bis concernant les juridictions compétentes pour connaitre d’un litige en matière civile et commerciale.

Dans cette affaire, des sociétés étrangères, propriétaires d’une plateforme de crypto-monnaie se prévalaient de la compétence exclusive des juridictions lituaniennes pour connaitre d’un litige engagé par un utilisateur de la plateforme, résidant en France. L’issue du litige concernant la juridiction compétente dépendait de la qualification ou non de consommateur de ce dernier.

La Cour de cassation rejette le pourvoi qui reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu la notion de consommateur de l’utilisateur de la plateforme de crypto-monnaie.

Elle rappelle d’abord qu’au sens dudit règlement européen, « seul celui qui a agi en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, dans l’unique but de satisfaire à ses propres besoins de consommation privée, relève du régime particulier prévu par le règlement en matière de protection du consommateur en tant que partie réputée faible sans qu’il puisse être tenu compte de sa situation subjective ».

Elle approuve les juges du fond d’avoir retenu que l’importance des sommes reçues par l’utilisateur, laissant présager qu’il s’agit de sa seule source de revenus, tout comme la compétence de ce dernier en matière de crypto-monnaie ne sont pas des éléments déterminants de la qualification ou non de consommateur.

Elle souligne au contraire le caractère aléatoire du contrat, le fait que le profit s’inscrit dans le cadre de la gestion d’un patrimoine privé et le caractère bénévole des activités de crypto-monnaie auxquelles a participé l’utilisateur.

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de ceux rendus par la Cour de justice de l’Union européenne en la matière, laquelle retient une conception purement objective du contrat de consommation, refusant de tenir compte des connaissances concrètes de la personne concernée (CJUE 3 sept 2015, C-110/14, Costea), de l’importance des sommes gagnées grâce au contrat (CJUE, 10 décembre 2020, C-774/19) ou du rôle actif et de la régularité d’une activité (CJUE 2 avril 2020, C-500/18, Reliantco Investments LTD ; 10 décembre 2020, C-774/19, Personal Exchange International Limited).


Divorce – Prestation compensatoire – Versement – Capital – Modalités de paiement – Versements périodiques – Montant – Fixation – Office du juge

Civ 1, 1er juin 2023, n°21-22.951, publié au bulletin

Dans cet arrêt publié au bulletin, la première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle que selon l’article 275, alinéa 1 du code civil, lorsque le débiteur de la prestation compensatoire n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Et elle précise qu’il appartient au juge qui fait application de ce texte de fixer le montant des versements périodiques.

Elle censure en conséquence la cour d’appel qui s’est bornée à indiquer que le débiteur de la prestation compensatoire pourrait s’acquitter de celle-ci par versements mensuels sur une durée maximum de quatre ans, sans fixer le montant des versements mensuels.


Droit des biens – Chemin d’exploitation- qualification

Civ. 3, 20 avril 2023 n° 21-25.104

Dans cet arrêt, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a précisé sa jurisprudence relative à la qualification de chemin d’exploitation.

En l’espèce, le chemin litigieux permettait aux propriétaires de parcelles bordant une impasse d’accéder à la plage en traversant la propriété de leurs voisins, lesquels avaient décidé d’empêcher tout passage public.

La Cour de cassation a décidé que c’était à bon droit que la cour d’appel avait rejeté la qualification de chemin d’exploitation dès lors qu’elle avait retenu que ce chemin ne servait pas exclusivement à la communication entre les fonds riverains ou à leur exploitation.

Il en résulte que la seule utilité du chemin pour les riverains n’est pas un élément suffisant pour retenir la qualification de chemin d’exploitation.

Procédure Civile

Appel civil – Procédure à jour fixe – Assignation – Remise de la copie au secrétariat-greffe – Remise avant la date fixée pour l’audience – Nécessité

Civ.2ème, 17 mai 2023, n°21-20690, publié au bulletin
Dans cet arrêt de principe, la Cour de cassation a consacré un nouveau principe en matière d’appel, dans le cadre de la procédure à jour fixe.

Rappelant qu’il résulte de l’article 922 du code de procédure civile que dans la procédure d’appel à jour fixe, la cour d’appel est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l’audience, faute de quoi la déclaration d’appel est caduque, la Cour de cassation a jugé que ce texte, interprété à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ayant pour seul objet d’énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d’appel, n’impose pas que soient jointes à la copie de l’assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l’information de l’intimé, mentionnées à l’article 920 du code de procédure civile.

Elle en a donc déduit que la cour d’appel avait violé les articles 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, ensemble les articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile, en jugeant qu’en cas d’appel d’un jugement d’orientation, il incombe à l’appelant de remettre à la cour non seulement l’assignation à jour fixe, mais également la requête aux fins d’être autorisé à assigner à jour fixe, l’ordonnance du premier président et la déclaration d’appel ayant été signifiés à l’intimé en même temps que l’assignation.

Outre le fait que cet arrêt consacre un principe souple, à la lumière de l’article 6 de la CEDH, il présente l’intérêt d’avoir une motivation enrichie qui mérite d’être rappelée ci-dessous in extenso.

On ne peut que louer cette manière pédagogique de la Cour de cassation de consacrer une nouvelle règle jurisprudentielle. La portée du principe inauguré n’en est que mieux accueillie tant par le justiciable que par les professionnels du droit.

« Selon la Cour européenne des droits de l’homme, le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation. Cette réglementation par l’État peut varier dans le temps et dans l’espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l’article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/ Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018).

6. La question posée par le moyen est celle de savoir si l’article 922 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, impose ou non, pour que la cour d’appel soit saisie, que soient jointes à la copie de l’assignation les copies de la requête, de l’ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d’appel.

7. En application de l’article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour. L’ordonnance signée et datée du premier président figure au dossier de la procédure (2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-19.258 et n° 19-19.259).

8. L’article 922 du code de procédure civile, quant à lui, a pour seul objet d’énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d’appel, celle-ci, devant être saisie par la remise d’une copie de l’assignation.

9. Il en résulte que l’article 922 du code de procédure civile n’impose pas que soient jointes à la copie de l’assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l’information de l’intimé, mentionnées à l’article 920 du code de procédure civile. »

Procédure civile – Union européenne – Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 – Reconnaissance et exécution des décisions étrangères – Condition – Signification

Civ 1, 25 mai 2023, n°22-12.299 et n°22-12.469, publié au bulletin

Dans cet arrêt publié au bulletin, la première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles 38, § 1, 42, § 2, 43, §§ 1 et 5, et 47, § 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale que les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée et que la déclaration constatant la force exécutoire est signifiée ou notifiée à la partie contre laquelle l’exécution est demandée, accompagnée de la décision si celle-ci n’a pas encore été signifiée ou notifiée à cette partie.

Elle en déduit que viole ces textes la cour d’appel qui rejette la fin de non-recevoir tirée de l’absence de signification des décisions déclarant exécutoires en France les arrêts d’une cour d’appel et de la Cour de cassation d’un autre Etat membre, alors que ces décisions n’avaient pas été signifiées à la partie contre laquelle l’exécution était demandée, mais uniquement à la personne tierce chargée d’en supporter l’exécution.

Elle exclut, ce faisant, que la connaissance de la décision par la partie contre laquelle l’exécution est demandée puisse pallier l’absence de signification.

Cet arrêt s’inscrit ainsi dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, devenue la Cour de justice de l’Union européenne, à laquelle la Haute juridiction française se réfère expressément, selon laquelle l’exigence de la signification de la décision qui autorise l’exécution a pour fonction, d’une part, de protéger les droits de la partie contre laquelle l’exécution est demandée et, d’autre part, de permettre, sur le plan probatoire, une computation exacte du délai de recours rigoureux et impératif ouvert à cette partie et que, si seule importait la connaissance par celle-ci de la décision qui autorise l’exécution, cela risquerait de vider de sa substance l’exigence d’une signification (CJCE, arrêt du 16 février 2006, Verdoliva, C-3/05).

Droit Public

Actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles commises à l’occasion de la passation d’un marché public – Prescription – point de départ – participation des organes dirigeants à ces pratiques

CE, Section, 9 mai 2023, Gespace France c/ Région Ile-de-France, req. n° 451.710, publié au recueil Lebon

Dans le prolongement de l’arrêt SNCF Mobilités (CE, 22 novembre 2019, req. n° 41864) et de l’arrêt Société Mersen (CE, 12 octobre 2020, req. n° 432.981) le Conseil d’Etat, après avoir rappelé les délais de prescription applicables aux actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles commises à l’occasion de la passation d’un marché public, confirme que le délai de prescription ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés.

Il précise cependant que dans l’hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu’en raison de leur implication elle n’a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu’à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l’étendue de ces pratiques.


Ensemble immobilier unique – permis de construire unique – constructions distinctes

CE, 12 juin 2023, Société Mas-Cosy, req. n° 468.343

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a rappelé une jurisprudence, désormais bien établie, selon laquelle une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique doit en principe faire l’objet d’une seule autorisation.

Lorsque deux constructions sont distinctes, elles peuvent faire l’objet aussi bien de demandes d’autorisation distinctes que d’une demande d’autorisation unique, laquelle présente alors un caractère divisible. Dans ces deux hypothèses, la conformité aux règles d’urbanisme est appréciée par l’autorité administrative pour chaque construction prise indépendamment.

Cette espèce a permis de préciser les contours concrets de cette jurisprudence.

Le Conseil d’Etat a considéré que l’édification de deux villas distinctes n’ayant en commun qu’un accès à la voie publique et aux réseaux ne permettait pas de les regarder comme constituant un ensemble immobilier unique, alors même qu’elles avaient fait l’objet d’une demande unique de permis de construire.

De sorte que la conformité aux règles d’urbanisme devait être appréciée par l’autorité administrative pour chaque construction prise indépendamment.