Newsletter trimestrielle n°21

Au cours de ce premier trimestre 2023, le cabinet Buk Lament – Robillot a obtenu des décisions notables, consacrant de nouveaux principes, que ce soit en matière de prescription civile, de vente immobilière, de contrat d’entreprise, de bail, de liquidation judiciaire, de procédure civile, de commande publique ou encore de domaine public ferroviaire.

La majorité de ces décisions ont fait l’objet publication au bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation ou au recueil Lebon.

Cette 21ème newsletter revient brièvement sur ces arrêts de principe pour en rappeler de manière concise la portée jurisprudentielle et l’intérêt juridique et pratique.

Droit Civil

Prescription civile – Interruption – Acte interruptif

Civ.2, 23 mars 2023, n°21-20447, publié au bulletin

Dans cet arrêt, la deuxième Chambre civile a clarifié sa jurisprudence en jugeant, par un arrêt de principe, qu’en cas d’annulation du commandement de payer valant saisie immobilière, l’assignation à comparaître à l’audience d’orientation perd son effet interruptif, en application des articles 2241 et 2242 du code civil.

L’assignation à comparaître ne conserve donc pas son effet interruptif de prescription, dans cette hypothèse d’annulation du commandement.

Si l’article 2241, alinéa 2, du code civil précise que la demande en justice interrompt le délai de prescription même lorsque l’acte de saisine a été annulé, la Cour de cassation avait déjà jugé que ces dispositions ne s’appliquaient pas aux actes d’exécution forcée.

Elle avait par ailleurs décidé que l’assignation à comparaitre à l’audience d’orientation produisait son effet interruptif en l’absence d’anéantissement du commandement ou de l’assignation jusqu’à l’extinction de l’instance (Civ.2, 1er mars 2018, B 42).

Cet arrêt du 1er mars 2018 pouvait laisser espérer que la Cour de cassation décide que l’assignation à comparaître à l’audience d’orientation constitue, dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, un acte d’exécution forcée, qui est dès lors privé de son effet interruptif de prescription, en cas d’annulation du commandement de payer.

C’est chose faite avec cet arrêt du 23 mars dernier.

Contrat d’entreprise – Coût des travaux – Paiement – Retenue de garantie – Caution bancaire – Extinction – Expiration du délai d’un an après réception – Point de départ

Civ.3, 11 janvier 2023, n°21-11.053, publié au bulletin

Par cet arrêt, la Cour de cassation a d’abord rappelé que la retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s’y substituer, prévues à l’article 1er de la loi n°71-584 du 16 juillet 1971, ont pour objet de protéger le maître de l’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception et que selon l’article 2 de cette même loi, à l’expiration du délai d’une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserve, la caution est libérée, même en l’absence de mainlevée, si le maître de l’ouvrage ne lui a pas notifié, par lettre recommandée, son opposition motivée par l’inexécution des obligations de l’entrepreneur.

Elle en a déduit qu’il résulte de ce dernier texte, qui ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, que le délai à l’expiration duquel la caution est libérée ne peut commencer à courir avant la date de réception.

Ainsi, la Cour de cassation retient qu’une cour d’appel, qui constate que l’opposition à mainlevée a été notifiée à la caution par le maître de l’ouvrage moins d’un an après la date à laquelle a été fixée la réception judiciaire de l’ouvrage, en déduit exactement que la demande en paiement est recevable, les conditions d’application de l’engagement de caution au bénéfice du maître de l’ouvrage étant réunies à la date à laquelle elle statue.

Il en va ainsi nonobstant la circonstance que, pour une opposition formulée le 26 novembre 2013, la réception des travaux a été fixée au 10 et 14 juin précédant mais, judiciairement, par un arrêt du 26 avril 2018.

Bail – Obligation de délivrance – Travaux nécessaires – Manquement du bailleur – Faculté pour le preneur d’obtenir l’exécution forcée des travaux ou à titre d’avance des sommes nécessaires à leur réalisation – Indemnisation, en outre, des préjudices du preneur

Civ.3, 6 avril 2023, n° 19-14.118 et 19-14.119, publié au bulletin

Dans cette affaire où il était reproché au bailleur un manquement à son obligation de délivrance faute d’avoir accompli les travaux de remise en état nécessaires, le preneur avait obtenu de la cour d’appel la condamnation du bailleur, à titre de dommages-intérêts, à verser une somme correspondant au coût desdits travaux, alors même que ceux-ci n’avaient pas vocation à être exécutés, le preneur ayant été placé en liquidation judiciaire.

La Cour de cassation censure ce raisonnement aux visas des articles 1144 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 1719 et 1720 du même code.

Il résulte en effet de ces textes que, en cas de manquement du bailleur à son obligation de délivrance, le locataire peut, d’une part, obtenir l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution par le bailleur des travaux lui incombant, d’autre part, soit obtenir l’exécution forcée en nature, soit être autorisé à faire exécuter lui-même les travaux et obtenir l’avance des sommes nécessaires à cette exécution.

Dès lors, la cour d’appel ne pouvait retenir que le coût de ces travaux de mise en conformité constituait une créance certaine du preneur mise en liquidation, ne pouvant s’agir que d’une avance et non d’un préjudice réparable.

Vente immobilière – Nullité – Paiement de la taxe foncière et des charges de copropriété par l’acquéreur – Créance de restitution (non) – Préjudice indemnisable (oui)

Civ 1, 1er février 2023, n°21-19.047

Dans cet arrêt, la première Chambre civile de la Cour de cassation a précisé qu’en cas de nullité d’un contrat de vente immobilière, le paiement de la taxe foncière et des charges de copropriété par l’acquéreur du bien dont la vente est ultérieurement annulée constitue un préjudice indemnisable et non une créance de restitution.

Cette qualification a une incidence sur l’étendue de l’action en responsabilité exercée par l’acquéreur à l’encontre du notaire ayant instrumenté la vente ou tout autre tiers.

En qualifiant le paiement de la taxe foncière et des charges de copropriété de préjudice indemnisable, la Haute juridiction ouvre à l’acquéreur un recours pour en obtenir l’indemnisation auprès du notaire fautif.

Ce qui peut s’avérer précieux dans l’hypothèse où le vendeur ne serait pas solvable.

Copropriété – Règlement – Activité contraire à la destination de l’immeuble – Référé – Trouble manifestement illicite

Civ. 3, 18 janvier 2023, n° 21-23.119

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a précisé que le fait que le syndicat des copropriétaires n’ait pas demandé à certains copropriétaires qui exercent une activité interdite par le règlement de copropriété d’y mettre un terme, n’était pas une circonstance de nature à exclure que l’exercice, par d’autres copropriétaires du même immeuble, d’une activité également interdite par le règlement car contraire à la destination de l’immeuble, puisse constituer un trouble manifestement illicite autorisant le juge des référés à prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent afin de le faire cesser.

Il s’agit là d’une application du principe selon lequel une simple tolérance ne saurait créer de droit au profit de celui qui a transgressé une règle ou au détriment de celui qui a toléré la transgression.

Son application est d’autant plus évidente en la matière que le syndicat des copropriétaires ne peut, de lui-même, renoncer à un droit créé en faveur de l’ensemble des copropriétaires ; seule l’assemblée générale des copropriétaires, statuant à l’unanimité, peut autoriser une activité interdite par le règlement de copropriété.

Droit Social

Salaires – rappel salaires – bulletin rectificatif – refus employeur injustifié – droit à la retraite- calcul impossible – perte de chance

Soc. 9 novembre 2022, n° 20-21.856

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, rappelée dans cette affaire, il résulte de l’article L. 3243-2 du code du travail que lorsque l’employeur est condamné au versement d’un rappel de salaire du sur plusieurs mois, ce rappel peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement, pourvu qu’il comporte les mentions prescrites par les articles R. 3243-1 et suivants et qu’il indique à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l’objet d’un versement unique.

Dès lors, décide la Chambre sociale, en l’occurrence, la cour d’appel qui, après avoir constaté qu’une précédente décision avait ordonné à la société de régulariser la situation de la salariée auprès de l’organisme de retraite des cadres et de lui remettre des bulletins de paie conformes, a relevé que l’intéressée justifiait que la délivrance à l’occasion de chacun des versements effectués pour régulariser la situation, de deux bulletins de salaire qui cumulaient le montant des salaires dus sur plusieurs années, l’avait empe^chée de faire valoir l’intégralité de ses droits auprès de l’organisme de retraite concerné, en a déduit qu’en raison du refus de la société de lui délivrer les éléments permettant un calcul exact de ses droits à la retraite, la salariée avait ainsi subi une perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète et en a souverainement apprécié l’étendue.
Soc., 7 décembre 2022, nos 21-14.920 et 21-14.921

Dans ces arrêts, la Chambre sociale opère un contrôle dit léger des motifs par lesquels les juges du fond décident de l’existence du transfert de contrats de travail en application de l’article L 1224-1 du code du travail.

Dans cette affaire, une cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, avait constaté, toujours dans l’exercice de son pouvoir souverain, qu’après la reprise des deux pelleteuses au maniement desquelles étaient affectés les deux salariés d’une première société, qui était un sous-traitant d’une seconde, et alors qu’avait été envisagée entre les deux sociétés une cession partielle d’actifs avec poursuite du contrat de travail des deux conducteurs affectés à l’activité de terrassement, en application de l’article L.1224-1 du code du travail, cession qui n’avait toutefois pas été signée, la seconde société avait continué à employer les deux conducteurs de ces pelles articulées sur les me^mes chantiers et sous son autorité, en leur délivrant des bulletins de paie et en les rémunérant et que ce n’était qu’après la reprise des contrats de travail qu’elle avait remis en cause les termes de l’accord envisagé avec l’ancien employeur.

La Cour de cassation, opérant un contrôle dit léger des motifs précités de la cour d’appel, a approuvé cette dernière d’en avoir déduit que la seconde société avait ainsi fait volontairement application de l’article L 1224-1 du code du travail, en poursuivant avec ces salariés, pour son propre compte, l’exploitation de ces pelleteuses et l’activité de terrassement auparavant exercée par la société, ancien employeur.

Droit Commercial

Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005) – Organes – Liquidateur – Pouvoirs – Action paulienne – Exercice

Com., 8 mars 2023, n°21-18829, publié au bulletin
Cette décision a tranché une difficulté concernant la qualité à agir du liquidateur judiciaire en inopposabilité d’un acte conclu frauduleusement, quand cet acte serait de nature à être inopposable à deux créanciers hypothécaires, dont l’hypothèque avait été prise sur un immeuble, objet de l’acte litigieux.

Le pourvoi soutenait que le liquidateur serait privé de toute qualité à agir faute de pouvoir prétendre agir dans l’intérêt collectif des créanciers dès lors que seule une partie des créanciers avait en l’occurrence intérêt à voir juger que l’acte attaqué leur était inopposable pour cause de fraude paulienne.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation et jugé, par un arrêt de principe, publié au bulletin, que lorsqu’un acte frauduleux a eu pour effet de soustraire un bien du patrimoine du débiteur soumis à la liquidation judiciaire et de réduire ainsi le gage commun des créanciers, le liquidateur, qui représente l’intérêt collectif des créanciers, a qualité pour exercer l’action paulienne, y compris lorsque la répartition des dividendes profite exclusivement à certains des créanciers.

Droit Social

Contrat de travail – durée – contrat à durée indéterminée – présomption

Soc. 8 février 2023, n° 21-18.754

Dans cette affaire, la Cour de cassation, après avoir rappelé qu’aux termes de l’article L. 1242-12, alinéa 1er, du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif et qu’à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée, a jugé qu’en l’absence de contrat écrit, l’employeur ne peut écarter la présomption légale instituée par ce texte selon laquelle le contrat doit être réputé conclu pour une durée indéterminée.

Elle réaffirme sa solution qu’elle avait déjà consacrée (Soc. 13 décembre 2000, n° 97-45.489 ; 10 juillet 2001, n° 99-44.839).

Ainsi, selon la Chambre sociale, la cour d’appel qui avait en l’occurrence retenu, pour débouter la salariée de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, que, par application des articles L. 1242-2 et L. 3123-6 du code du travail, en l’absence d’écrit, il devait être présumé que les parties avaient été liées par un contrat à durée indéterminée et à temps complet, mais qu’il s’agissait de présomptions simples, que chaque prestation donnait lieu à la signature d’un contrat distinct, que les fiches de paie et les plannings saisonniers, signés par l’appelante, mentionnaient les horaires et la rémunération afférents et que la salariée était informée plusieurs mois à l’avance de la tenue des spectacles auxquels elle participait et qu’elle pouvait refuser, en sorte que l’état de subordination de l’intéressée était discontinu et qu’il n’était caractérisé que pour la durée de chaque engagement, a constaté qu’aucun contrat de travail n’avait été établi et a ainsi violé les textes susvisés.

Contrat de travail – Droit public – Transfert -Contrôle de la Cour de cassation

Soc. 18 janvier 2023, n° 21-12.325

Par cet arrêt, la Chambre sociale a réaffirmé le contrôle opéré par la Cour de cassation en matière de conclusion d’un contrat de travail de droit public que l’employeur public est tenu de proposer au salarié dont le contrat est repris à la suite du transfert d’une entité économique à une personne morale de droit public dans le cadre d’un service public administratif.

En l’occurrence, la cour d’appel avait débouté la salariée transférée de sa demande tendant a` voir juger qu’elle était liée aux SDIS du Calvados et au SDIS du Loir-et-Cher, repreneurs, par un contrat tripartite de droit public.

Or, la Cour de cassation a montré qu’elle exerçait un contrôle des motifs par lesquels les juges du fond vérifient si un contrat de travail de droit public avait été conclu entre le salarié transféré en application de l’article L. 1224-1 et l’employeur public qui lui propose un contrat de travail de droit public.

Ainsi, selon la Cour de cassation, la cour d’appel, après avoir d’abord constaté, d’une part, que l’exemplaire du contrat de travail tripartite de droit public soumis, le 11 mars 2015 à la salariée par le seul président du conseil d’administration du Service départemental d’incendie et de secours du Calvados, n’était pas signé par les représentants des SDIS du Calvados et du Loir-et-Cher, d’autre part, que la salariée avait émis, les 18 et 23 mars 2015, des réserves sur la validité juridique et les modalités matérielles d’exécution du contrat de travail qui lui était ainsi proposé, et ensuite relevé que, par lettres des 19 et 27 mai 2015, les SDIS du Calvados et du Loir-et-Cher, arguant de difficultés juridiques et pratiques inextricables tenant à un contrat unique, avaient indiqué à l’intéressée qu’il n’existait pas d’autre solution que celle résultant de la conclusion de deux contrats à mi-temps, l’un avec le SDIS 14 et l’autre avec le SDIS 41 et lui avaient adressé, chacun, une nouvelle proposition de contrat de droit public, qu’elle avait refusée au motif qu’elle avait accepté la première proposition de contrat unique du 11 mars 2015, en a exactement déduit, sans se contredire, qu’aucun contrat de travail de droit public n’avait été conclu le 11 mars 2015 entre les parties.

Procédure Civile

Avocat – Honoraires – Contestation – Honoraires de résultat – Paiement- Conditions

Civ.2, 9 février 2023, n°21-20036, publié au bulletin

Par cet arrêt, la Cour de cassation a décidé que le juge n’avait pas à tenir compter des modalités de facturation de l’honoraire de résultat lesquelles sont indifférentes en matière d’action en fixation d’honoraires lorsque les parties n’ont pas prévu de modalités particulières.

Ainsi, l’honoraire de résultat prévu par une convention préalable est dû par le client à son avocat à la date à laquelle il a été émis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, peu important que la facture ait été émise avant sa date d’exigibilité.

En conséquence, le juge ne peut se fonder sur la circonstance inopérante que la facture relative à l’honoraire de réussite ait été émise avant sa date d’exigibilité alors qu’à la date où il statuait il avait été mis fin à la procédure par un acte notarié irrévocable.

Contrats de la commande publique – Référé précontractuel – Procédure – Délai pour statuer – Inobservation – Sanction – Détermination

Com., 11 janvier 2023, n°21-10440, publié au bulletin

Dans cet arrêt, dont la portée est double, la Cour de cassation s’est d’abord prononcée pour la première fois sur la sanction du délai de vingt jours dans lequel, en application de l’article 1441-2 I° du code de procédure civile, le président doit statuer sur les demandes qui lui sont présentées en vertu des articles 2 et 5 de l’ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.

La Cour de cassation a décidé que ce délai de vingt jours n’était pas prescrit à peine de nullité de sorte que son inobservation ne pouvait pas donner lieu à cassation.

Elle s’est ainsi conformée à la jurisprudence du Conseil d’Etat qui avait décidé qu’en matière de référé précontractuel les dispositions de l’article L 511-1 du code de justice administrative imposent au juge des référés de statuer avec diligences sur les demandes dont il est saisi sans que ces dispositions n’aient pour objet ni pour effet de faire du délai dans lequel il statue une condition de la régularité de l’ordonnance rendue (CE, 6 mars 2002, Sarl Transcote, n°240457).

La Haute juridiction s’est ensuite prononcée sur la nature des éléments qui doivent être fournis par le pouvoir adjudicateur au titre de la communication des motifs de rejet de l’offre des candidats évincés en application de l’article R 2181-3 du code de la commande publique.

Elle a ainsi jugé que la seule différence de notes obtenues entre une première candidature et une seconde, identique à la première, à un appel d’offres dont la procédure a dû être recommencée, ne peut constituer une discrimination illégale entre les candidats.

Par ailleurs, dès lors que selon l’article R. 2181-3 du code de la commande publique, la notification prévue à l’article R. 2181 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l’offre et que lorsque la notification de rejet intervient après l’attribution du marché, l’acheteur communique en outre le nom de l’attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre de même que la date à laquelle il est susceptible de signer le marché, le pouvoir adjudicateur, en communiquant un récapitulatif des notes obtenues par les sociétés attributaires et celles obtenues par la société évincée ne méconnait pas ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

C’est la première fois que la Chambre commerciale s’est prononcée sur la question relative au défaut ou à l’insuffisance de communication des motifs du rejet de l’offre.

Son arrêt, sur ce point encore, est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 8 avril 2019, Sté Orange, Région Réunion, n°426096 et 426914).

Procédures civiles d’exécution – Juge de l’exécution – Compétence – Contestation s’élevant à l’occasion de l’exécution forcée – Radiation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) (non)

Civ 2, 2 mars 2023, n°21-13.545, publié au bulletin

Dans cet arrêt, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, que « si le juge de l’exécution est compétent pour connaître de la contestation d’une mesure d’exécution forcée, il n’entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de radiation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) »

Elle précise que le juge de l’exécution ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur une telle demande.

Le défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution constitue donc une fin de non-recevoir qui peut être proposée en tout état de cause en application de l’article 123 du code de procédure civile.

Doit donc être censurée la cour d’appel qui statuant sur un appel formé à l’encontre d’une décision du juge de l’exécution s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande de radiation du FICP. Elle aurait dû déclarer irrecevable la demande.

Droit Public

Passerelle surplombant une voie ferrée – Appartenance au domaine public ferroviaire – Faculté pour un maire de prescrire la réalisation de travaux de mise en sécurité

CE, 1er mars 2023, Commune de Tergnier, req. n° 466.574, mentionné aux tables du recueil Lebon

L’entretien des ouvrages surplombant des voies ferrées, souvent construits dans la première moitié du XXème siècle, pose régulièrement des difficultés quant à la détermination de la personne qui en est responsable, SNCF Réseau, venant aux droits des compagnie de chemin de fer et les collectivités locales cherchant à échapper à l’obligation d’entretenir ces ouvrages.

Selon une jurisprudence bien établie, « les ponts ne constituent pas des éléments accessoires des cours d’eau ou des voies ferrées qu’ils traversent mais sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage » (CE, 31 octobre 2014, Département de la Marne, req. n° 370.718 ; CE, 23 juillet 2012, Département de la Marne, req. n° 341.932, aux tables, CE, 26 septembre 2001, Département de la Somme, req. n° 219.338, publié au recueil Lebon ; précédemment CE, 14 décembre 1906, Préfet de l’Hérault, req. n° 17579 ; CE, 27 mai 1964, req. n° 59923 et 59924).

Dans la présente affaire, une commune et SNCF Réseau étaient en désaccord sur l’identité du responsable de l’entretien d’une passerelle surplombant les voies ferrées à hauteur de la gare.

Le maire avait enjoint à SNCF Réseau de prendre des mesures conservatoires de mise en sécurité de la passerelle, sur le fondement des dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives à la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations. SNCF Réseau avait obtenu, avec succès, devant le juge des référés, la suspension de l’exécution de cette décision.

Le Conseil d’Etat estime d’abord qu’un maire peut, au titre des pouvoirs qu’il tient des articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH), prescrire la réalisation de travaux de mise en sécurité sur un édifice constituant une dépendance du domaine public.

Puis, sans remettre en cause sa jurisprudence classique, il a considéré qu’en l’espèce, SNCF Réseau assumait toutes les obligations du propriétaire de la passerelle surplombant une voie ferrée dont le procès-verbal du 2 octobre 1933 de récolement et de remise des travaux conduits par la Compagnie du Chemin de fer du Nord établissait que cet ouvrage avait été édifié, dans l’intérêt du service public du chemin de fer, par cette entreprise en sa qualité de concessionnaire de ce service public et appartenait ainsi au domaine public ferroviaire, sans qu’aucun élément du dossier ne permette d’établir qu’il en serait sorti depuis lors. L’ordonnance a donc été censurée pour dénaturation.